Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/336

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ferme. » Sir Bartle voudrait la colonie soumise au contrôle des consuls anglais en même temps que régie par le souverain ; l’autorité se diviserait, le consul et le sultan se prêteraient un mutuel concours, et on obtiendrait le résultat que les missionnaires catholiques et protestans ont déjà obtenu. L’erreur ici paraît manifeste. Les missions catholique et protestante ont la direction et la surveillance absolues des enfans qu’elles élèvent ; le consul seul a droit d’intervenir, et non l’autorité locale ; il ne peut donc se présenter de conflit. Dans la division des pouvoirs au contraire, comment une autorité ne l’emporterait-elle pas sur l’autre ? Si un accord supposé peut conduire à la formation de la colonie d’affranchis, pourquoi le sultan et les agens anglais ne tenteraient-ils pas l’épreuve au cœur même du pays esclavagiste, sous leurs yeux, à Zanzibar ? L’expérience serait concluante, car on ne peut considérer comme essai l’emploi de travailleurs esclaves fournis par leur maître à un industriel anglais à charge de remplacement, ni l’attribution à ce même industriel d’hommes réunis par les croisières et libérés, mais que l’obligation de travail sans contrat déterminé assimilerait au plus à des engagés. Sir Bartle Frere attache enfin une grande importance à la réunion entre les mêmes mains des pouvoirs diplomatiques et consulaires à Mascate et à Zanzibar. Suivant lui, un agent anglais devrait partager son temps et séjourner successivement dans les deux pays, s’assurer en Arabie du succès des efforts tentés à Zanzibar et devenir le médiateur des conflits qu’il aurait mission d’apaiser ou de trancher par son jugement. C’est en effet le rôle que la Grande-Bretagne a pris aux Indes avec tant de profit, et qui semble être abandonné de même à sa puissante initiative dans la plupart des contrées de l’extrême Orient.

Telles sont les opinions de l’homme d’état dont on a invoqué les lumières. Il a conçu de toutes pièces un système dont il formule sommairement les articles. L’enquête suit son cours. Ce n’est point l’enquête comme nous la pratiquons en France, où chaque témoin, entendu isolément, prépare d’ensemble une déposition dont la correction et la netteté sont les premières qualités. Ici l’important est d’arriver à la découverte de la vérité. Le procès-verbal ne vise à aucun effet de style, c’est une reproduction exacte ; rien ne s’éloigne plus d’une forme littéraire. Nous suivons un interrogatoire, et le chairman a toutes les apparences d’un juge d’instruction, divisant soigneusement les questions, exigeant réponse précise sur le point posé. C’est la méthode pour conduire à la certitude, celle que nous employons dans notre procédure criminelle, et que nous nous étonnerions par contre de voir abandonnée par la procédure anglaise, si nous ne savions de quelles garanties cette législation, différente de la nôtre, entoure les témoins et les accusés. Si la liberté de la défense