Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de le savoir. Que l’on abolisse l’esclavage de l’homme, passe encore ; si l’on touche à l’esclavage de la femme, on vient se heurter à toutes les croyances, on s’attaque à la famille. Il faut avoir été témoin de l’émotion produite dans une ville d’Egypte quand une femme blanche appartenant à un ministre vint se réfugier chez un consul allemand en demandant d’être mise en liberté, pour comprendre la violence que se fait un musulman en discutant une semblable question. Entre la Turquie et les autres pays musulmans, c’est un échange constant. L’Afrique fournit des esclaves noires, des Abyssiniennes, des Gallas, qui deviendront concubines, des négresses de races inférieures qui seront domestiques ; la Turquie envoie à La Mecque des Géorgiennes et des Circassiennes, qui trouveront acquéreur dans ce grand marché annuel.

Pour combattre l’esclavage, on l’a proscrit chez les nations européennes, et du même coup, un côté de l’Afrique, la côte occidentale, a dû fermer ses marchés, au moins en grande partie. Ici on a renoncé à obtenir du monde musulman l’application des traités, que chacun sait être violés et illusoires ; force a été de recourir à un autre moyen. On a pensé que, Zanzibar étant le lieu d’un entrepôt, il serait possible d’arrêter la traite et de l’atteindre à sa source. On a essayé de tout, négociations, croisières rigoureuses, menaces, le résultat n’a point répondu aux efforts. Plus les croisières anglaises étaient actives, plus les négriers apportaient au marché de Zanzibar d’esclaves pour combler le vide fait par les prises. Les traités en vigueur, et loyalement exécutés par le sultan de Zanzibar, ne remédient à rien. On se propose d’en exiger d’autres et de prendre des mesures concertées, dont on se promet un grand succès. On marche un peu à l’aventure, et l’on borne l’attaque aux points que l’on voit, sans réfléchir, ce semble, que le mal est plus profond et que les faits qu’on a sous les yeux n’en sont que la manifestation. L’esclavage existe à Zanzibar, un marché y fonctionne, c’est de ce point que l’exportation a lieu. On se hâte donc de faire disparaître le scandale et d’arrêter l’exportation. On oublie qu’une route fermée, d’autres s’ouvriront. Examinons la question de l’esclavage à Zanzibar et les moyens politiques que les Anglais emploient avec une ardeur infatigable pour le comprimer.


II.

Les états de Zanzibar se composent de plusieurs îles faisant face à la côte orientale d’Afrique, et dont les principales, à partir du sud, sont : Quiloa, Monfia, Zanzibar, Pemba, Monbas, Lamoa. Le même système d’îles ou îlots se continue au nord ; seulement ces îles, se rapprochant de la terre, permettent parfois le passage à gué