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nistratives, « attendu que l’actif de la ferme, bien supérieur à ses dettes, avait été versé dans le trésor, qui en avait disposé. »

III.

Cette institution, que nous venons de voir s’éteindre, montre bien par la date de son origine, 1681, dans quel sentiment et pour quels desseins elle avait été fondée. Louis XIV était alors dans la maturité de son âge et en pleine possession de sa puissance ; il aimait l’éclat autour de lui et y entretenait une cour qu’il encourageait au faste et obligeait à la dépense. Cette cour s’endettait et ne trouvait pas d’argent pour payer ses dettes. Point ou peu d’instrumens de crédit, à peine quelques gros banquiers, comme Samuel Bernard, qui avaient pour coutume de ne prêter qu’au roi ou à des gens plus riches que le roi. Évidemment il manquait là un rouage pour accélérer cette circulation endormie, donner le branle aux écus qui se cachaient, attacher quelques bailleurs bénévoles à cette cour qui, avant peu, ne pourrait plus vivre que de faveurs. Voilà pour quelles fins une ferme-générale fut créée, et son premier mérite fut d’assurer, sous le nom de croupes, un service de pensions pour les habitués de l’Œil-de-Bœuf. Il y avait même des parts de places que Le roi ne craignait pas de s’adjuger, et où il jouait familièrement la partie des fermiers-généraux, perdait ou gagnait comme eux et avec eux, suivant les chances. Un autre fruit de l’institution, c’était de tenir constamment une cinquantaine de grosses bourses à la disposition du roi, de ses amis ou de ses favorites ; au besoin et à la veille d’emprunts extraordinaires, on les mettait aux prises avec les banquiers récalcitrans.

Pour indemniser ces bons serviteurs, on leur livrait, il est vrai, le peuple à rançonner ; mais la noblesse et le clergé échappaient à l’impôt, à quoi bon dès lors s’inquiéter du peuple ? C’était l’affaire des commis de gabelles, et ils s’arrangeraient bien toujours ; il était de règle que le roi n’y perdrait rien, et à coup sûr les fermiers non plus. Malgré tout, le but que se proposaient Louis XIV et Colbert était atteint. On avait créé un corps intermédiaire, pour ainsi dire, et, près des deux grandes noblesses de robe et d’épée, une petite noblesse qui avait moins de devoirs et plus de libertés, gardait ses entrées partout et se faisait excuser par les gens vraiment qualifiés en leur rendant beaucoup de services. Le traitant était, pour beaucoup de familles, la cheville ouvrière d’affaires imprévues ou délicates ; on l’admettait dans toutes les confidences, on le recevait dans toutes les fêtes, quelquefois à la place d’honneur, toujours avec ime familiarité de bon goût. À de certains jours c’était une ressource, dans d’autres une compagnie. Quelquefois, au lieu d’être l’invité,