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les siens. — Il me regarda, inclina la tête ; les autres me donnèrent la main et me firent boire dans leurs gourdes. — J’étais un haydamak

Dès lors je pris part à plus d’une surprise habile, à plus d’un combat sanglant. Il n’y avait personne que ne pût atteindre le bras de notre Dobosch ; aucun monarque n’était aussi puissant. Un prêtre avait fait chasser par ses chiens, dans la nuit de Noël, un pauvre vieux vagabond qui, faute d’abri, fut gelé. Trois jours après, Dobosch surprenait le presbytère, arrachait le curé de son lit, le faisait mettre tout nu, puis inonder d’eau glacée. Quand le misérable fut pour ainsi dire pétrifié, ses hommes le plantèrent devant la porte de l’église et disparurent au grand galop. — Un clerc du prince Sapieha avait fait fouetter à mort, pour une peccadille, un paysan dont la veuve se plaignit à Dobosch. Une semaine après, le clerc était pris par nos haydamaks. Dobosch lui reprocha tous ses crimes ; mais l’autre n’eut-il pas l’insolence de lui offrir une rançon, une forte rançon ? Qu’était pour Dobosch tout l’or du monde ? Il fit clouer le clerc entre deux planches que l’on scia. C’était terrible à voir et à entendre… — Il se passa quelque chose de pire pour un jeune seigneur qui avait fait traîner de force chez lui, par ses gens, une honnête fille du village. Le fiancé de cette fille, s’étant plaint, fut renvoyé du service militaire, un déshonneur s’il en fût ! Le père fut dépossédé de sa chaumière et de ses champs, parce qu’il voulait reprendre son enfant, et, quand le seigneur en eut assez de celle-ci, il la chassa. Elle vint au camp des haydamaks demander vengeance. Cela ne se fit pas vite, le jeune baron se tenait sur ses gardes, et il fallut, pour le prendre, donner l’assaut à la seigneurie, qui soutint un véritable siège. Il y eut des morts et des blessés de part et d’autre ; enfin nous enfonçâmes les portes avec nos topors et fîmes prisonniers tous les survivans. Par ordre de Dobosch, le mandataire fut cloué à la porte de la grange comme un hibou, les serviteurs furent pendus aux arbres voisins. Quant au seigneur, nous l’attachâmes à la queue d’un cheval qui l’emporta dans la montagne jusqu’à une grande fourmilière qui s’élevait comme une tour au pied d’un vieux chêne. Arrivé là, Dobosch fit attacher le coupable, les pieds en haut, de façon que sa tête plongeât dans la fourmilière, puis il fit enduire cette tête de miel…

Il survenait aussi parfois des aventures bien comiques. — Par exemple, l’évêque de Halios était un avare, un usurier sans rival pour la rapacité. Notre Dobosch résolut de lui rendre visite. Un jour, deux moines de la terre-sainte se présentent devant l’évêque entouré de ses chanoines. L’un des deux lui dit : — Tu es un pécheur, frère, tu fais saigner les gens, tu amasses l’argent comme