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il ne veuille faire de Pythéas un Teuton, on ne voit pas bien nettement ce qu’il peut avoir à faire avec les antiquités germaniques. M. Peschel, d’Augsbourg, se borne par contre à l’histoire des découvertes géographiques de la période moderne : ni l’un ni l’autre de ces savans n’était donc appelé à entreprendre le travail d’ensemble que M. Vivien de Saint-Martin vient de publier. On le lira avec plaisir et avec fruit. L’auteur paraît suffisamment maître de toutes les parties de son vaste sujet, mais c’est surtout pour la partie moderne qu’il mérite une approbation presque sans réserve ; enfin, dans un sujet où le côté technique ne pouvait être évité, il a su le rendre intéressant et parfois agréable. L’homme qui a consacré plus de cinquante années de sa vie à l’étude de la géographie n’a guère plus rien à apprendre de personne sur la science qu’il professe : aussi les lacunes qu’on remarque dans son livre ne sont-elles pas imputables sans doute à des omissions involontaires. Il n’ignore pas probablement les textes géographiques découverts en 1860 sur les murs de Karnak et les longues listes des contrées de l’Asie déchiffrées dans les salles de Khorsabad, en face de Ninive. Pour notre part, nous n’eussions pas hésité à donner le premier rang à ces découvertes, car nous les jugeons de beaucoup plus intéressantes, même pour le plus grand nombre des lecteurs auxquels s’adresse l’auteur, que ses digressions sur la chimérique géographie d’Homère. La Bible, dont M. Vivien de Saint-Martin parle si bien, est elle-même devancée par ces documens authentiques quarante fois séculaires, et il faut se rappeler que l’Egypte touchait à sa décadence quand la Grèce se nourrissait encore de glands. N’eût-il pas été plus nouveau et plus instructif d’ouvrir par ces respectables monumens des plus anciens âges son vaste inventaire géographique ? Ou ne serait-ce pas que son livre, écrit depuis longtemps déjà, ne se trouve plus au courant de la science sur ce point ? En revanche, l’Inde occupe la place qui lui est due, et l’importance des conquêtes scientifiques des Grecs, d’Alexandre et des Ptolémées nous a paru bien comprise et bien résumée. On ne peut en dire autant de l’époque romaine, qui est visiblement sacrifiée. Une ou deux pages sur les itinéraires, sur les tables antonine et peutingérienne, ces documens précieux qui nous donnent, pour ainsi parler, la charpente vraie de l’orbis romanus, seront jugées d’un avis unanime absolument insuffisantes. La partie de ce livre qui est relative au moyen âge et aux temps modernes ne mérite, nous le répétons, que des éloges à peu près sans restriction ; quelques omissions cependant doivent être signalées : ainsi qui croirait que parmi tant de noms de voyageurs contemporains, surtout de voyageurs anglais et allemands, celui de notre regretté collaborateur Guillaume Lejean ne figure pas une seule fois quand personne