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économiques, le commerce, l’industrie, l’organisation sociale, les armées, la levée des troupes, la marine, l’effectif des flottes, etc. C’est précisément tout cela que nous demandons à une géographie historique de l’Italie ou de la Gaule. Personne n’a encore tenté de faire un livre de ce genre. On répondra que les textes classiques ne sauraient nous en fournir les élémens, que Tacite ou Dion Cassius n’ont pas plus entrepris de nous faire comprendre ce qu’étaient un légat propréteur, un procurateur du vingtième des successions, ou du quarantième des Gaules, un flamine d’Auguste, des sévirs augustaux, etc., que M. Thiers dans ses Histoires de la Révolution ou du Consulat et de l’Empire ne nous a expliqué ce qu’était un évêque, un président de tribunal, un sous-préfet, un maire et un conseil municipal, et que les historiens du XVIIIe siècle enfin ne nous ont éclairés sur les pays d’états, les bailliages, les élections, etc., et la raison en est simple : leurs contemporains le savaient trop bien. Dans une géographie de la France actuelle, toute explication sur l’ordre de choses établi paraîtrait oiseuse et même naïve ; il en était absolument de même au temps de Tacite et au siècle de Saint-Simon. Malheureusement cet ensemble administratif, que tous les témoins ne connaissent souvent que trop bien, a disparu, cent ans après la révolution qui l’a renversé, personne ne s’en souvient plus ; une des questions les plus redoutées de nos jeunes professeurs d’histoire à l’agrégation est le tableau de l’organisation des services publics en 1788, c’est-à-dire d’un système administratif sous lequel nos pères ou tout au moins nos grands-pères ont vécu.

Il nous reste heureusement pour toutes les institutions disparues des témoins officiels et irrécusables qu’il faut savoir interroger ; pour l’époque moderne, nous avons les archives et les papiers publics ; pour l’époque romaine, nous avons les inscriptions. Il en existe environ six mille pour la Gaule. Quand on les aura étudiées et comparées avec les auteurs classiques et les textes des lois théodosiennes, on pourra aborder la géographie administrative de la Gaule sous la domination romaine. En attendant, il faut que l’archéologue rassemble les bornes milliaires encore subsistantes sur le sol ou dans les collections publiques et privées, et compare les résultats authentiques qu’elles nous fournissent tant pour la chronologie que pour les distances avec les itinéraires connus sous les noms de Table antonine, de Table de Peutinger, etc., que l’épigraphiste fasse connaître pour toutes les provinces de l’empire les principaux centres religieux du culte officiel de Rome et d’Auguste, l’étendue de ces juridictions sacerdotales, qui étaient de deux degrés, et qu’il recherche s’il n’existe pas quelque rapport entre ces circonscriptions païennes et celles que le christianisme a assignées