Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les rivalités historiques, les colonies, les disputes d’influence, les obligations des neutres, les hostilités des races, l’imperfection des institutions politiques et la théorie des limites naturelles. On pourra trouver l’énumération bien longue, et cependant elle n’a rien d’excessif ; ce sont bien là, il faut le reconnaître, des causes incessantes de guerre dans les temps modernes. La première cependant, l’esprit de conquête, aurait perdu du terrain ; les légistes le répudient, et il n’oserait plus lui-même, disent les optimistes, s’affirmer désormais. Ce serait l’occasion certes de le condamner une fois pour toutes dans un code international ; mais cette condamnation serait-elle bien définitive, et ne pourrait-il plus s’en relever ? Et les secrètes machinations, et les hypocrites entreprises, et les vaines chicanes, qui donc pourrait les déjouer et obliger les souverains à compter avec la justice dans la manière de traiter les autres états ? Le tribunal arbitral serait Là, dit-on, pour ces cas comme pour les autres. Soit ; mais ne se fait-on pas illusion sur ce point ?

On répond que dès à présent on est à même de citer de remarquables exemples de conflits réglés par le seul fait de l’arbitrage, et que dans plusieurs traités il est formellement stipulé. Ainsi, en 1853, une convention relative aux pêcheries du Canada intervenait entre les États-Unis et l’Angleterre. Lord Clarendon, à la sollicitation de plusieurs membres du parlement, au nombre desquels était Richard Cobden, fit insérer dans le traité une clause imposant l’arbitrage aux parties contractantes. En cas de différend, chaque partie nommerait un arbitre, et les deux arbitres en désigneraient un troisième, s’ils ne pouvaient tomber d’accord. Les parties contractantes s’engageaient à considérer la décision arbitrale comme définitive et sans appel. La même année, des réclamations restées indécises entre ces deux puissances étaient soumises à une commission mixte qui choisissait un troisième arbitre, M. Joshua Bates, de Londres. C’est une commission arbitrale qui réglait encore certains conflits survenus, en 1860, entre les États-Unis et la Nouvelle-Grenade, en 1861 entre les États-Unis et Costa-Rica. En 1863, la décision arbitrale du roi des Belges terminait un premier différend entre les États-Unis et le Pérou, un second entre le Brésil et l’Angleterre, En 1865, l’affaire du détroit de Puget entre l’Amérique et l’Angleterre était soumise à une commission arbitrale, et en 1870 l’arbitrage de l’Angleterre mettait fin à un différend entre l’Egypte et l’Espagne. Nous arrivons ainsi au traité de Washington, que l’on a considéré non sans raison comme un des actes diplomatiques les plus importans du siècle.

Cinq commissaires désignés par la Grande-Bretagne et cinq choisis par les États-Unis se réunirent à Washington, et formèrent une haute commission ayant pour mandat d’examiner les différends qui