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Il revenait de droit à M. Henry Richard, au délégué de la Société de la paix de Londres en 1856, de porter pour la seconde fois devant le parlement anglais la question de l’arbitrage international. En 1849, pareille motion, présentée par Richard Cobden, avait été repoussée sur les observations de lord Palmerston, qui affecta de la tourner en ridicule ; mais les derniers événemens étaient là pour apprendre une fois de plus, et par de saisissantes réalités, à quel point les folles entreprises d’une seule puissance peuvent troubler l’Europe entière. Et puis l’Angleterre n’a cessé de marcher vers la paix. Elle n’avait que médiocrement apprécié l’attitude beaucoup trop expectante de son gouvernement lors de la dernière guerre ; elle aurait voulu qu’il se jetât avec des paroles d’apaisement entre les combattans. Aussi saisissait-elle l’occasion de nous témoigner ses vives sympathies au milieu de nos désastres. N’oublions pas qu’à l’armistice des convois de vivres, traversant le détroit, nous arrivaient à Paris comme la manne, et que, de la même provenance, les terres dévastées de nos laboureurs recevaient bientôt les premières semences. Des meetings se prononçaient contre la guerre en général et particulièrement contre celle qui, après Sedan, s’était montrée si inexorable. Le 8 juillet 1873, M. Henry Richard n’était donc que l’éloquent organe des manifestations de l’opinion dans son pays alors qu’il obtenait, par un vote du parlement, qu’une adresse fût. envoyée à la reine « pour qu’il lui plaise de charger le secrétaire d’état aux affaires étrangères de se mettre en rapport avec les puissances, en vue de perfectionner les lois internationales et d’établir un système permanent d’arbitrage. » Par cette résolution, le gouvernement anglais était mis en demeure de se concerter avec les autres états sur une réforme considérable comprenant deux choses fondamentales, la rédaction d’une sorte de code international et la constitution du tribunal d’arbitrage réclamé depuis si longtemps par les amis de la paix et les publicistes. Le 24 novembre suivant, la chambre des députés italienne, sur la proposition de M. Mancini, proclamait à l’unanimité la même résolution, et formulait le même vœu dans une séance à laquelle avaient été conviés M. Henry Richard et MM. Dudley Field et Miles, jurisconsultes américains non moins dévoués à la cause de la paix. Est-ce à ces manifestations solennelles que l’on doit la conférence de Bruxelles ? Nous ne saurions l’affirmer ; mais ce que l’on peut dire, c’est que cette conférence se trouve en face de difficultés de plus d’un genre. Tout est à créer en cette matière ; non-seulement la guerre est sans règles d’aucune sorte, mais, ce qui peut surprendre, les relations de peuple à peuple sont abandonnées au hasard des interprétations et à l’arbitraire du plus fort. Qu’est-ce donc que le droit des gens, et où en est-il à notre époque ?