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jours plus tard, l’ennemi livra de nouveau bataille à Manghit ; sa nombreuse cavalerie semblait envelopper les Russes, qui cependant restèrent maîtres du terrain avec une perte de 9 hommes tués et une vingtaine de blessés. Les habitans ayant pris part à la lutte, la ville fut brûlée à titre de représailles. À la suite de ces deux affaires, les Khiviens n’osèrent plus résister en rase campagne ; ils escarmouch aient autour du corps expéditionnaire, attaquaient le convoi, coupant les ponts, s’enfuyant à perte de vue dès qu’ils étaient poursuivis. Verofkine reçut un courrier de von Kauffmann, qui lui donnait rendez-vous sous les murs de Khiva pour le 23 ou le 24 mai. Quant à la colonne Markosof, dont on n’entendait toujours pas parler, disons tout de suite qu’elle avait rebroussé chemin après avoir franchi la moitié du désert. Bien que cet officier eût une grande expérience des voyages à travers la steppe, il ne put découvrir sur la route qu’il parcourait assez de puits pour alimenter ses hommes, et, par crainte de les faire périr de soif, il ne put faire autrement que de les ramener en arrière. Son mouvement eut du moins pour résultat de tenir en respect les tribus des Tekkès, qui probablement se seraient sans cela portés au secours du khan de Khiva.

Le 22 mai, Verofkine recevait une ambassade de Mohammed-Ra.chim ; le danger imminent lui inspirait sans doute le désir de recommencer le stratagème auquel Bekovitch avait succombé. Il priait le général de lui faire l’amitié d’accepter l’hospitalité dans sa capitale ; il serait heureux de le recevoir ; tout au plus lui fallait-il deux ou trois jours de répit pour achever ses préparatifs et réprimer les Turcomans pillards qui avaient eu l’audace de s’opposer à la marche des Russes. La ruse eût été moins grossière que Verofkine ne s’y serait pas encore laissé prendre ; il avait reçu l’ordre formel de se refuser à toute négociation. Il continua donc d’avancer, si bien que le 27 mai au soir il était devant Khiva. Ses instructions portaient qu’il attendrait le commandant en chef ; mais n’était-il pas périlleux de retarder l’attaque ? Il se laissa volontiers convaincre. Le 28, l’artillerie russe bombardait la ville en même temps que l’infanterie s’aventurait un peu trop hardiment jusqu’au pied des murs ; aussi les pertes furent-elles plus sensibles que dans les combats antérieurs. En somme, le résultat de la journée fut satisfaisant, car on vit arriver le soir un envoyé du khan qui s’annonçait disposé à conclure un traité. Le lendemain matin, par un heureux hasard, le général von Kauffmann arrivait par l’est (devant Khiva. L’armée, enfin réunie, entra dans la ville et en occupa la citadelle et les principaux points stratégiques. Le khan s’était enfui ; mais la population se montrait paisible ; le bazar se rouvrit, les habitans firent un accueil amical aux Russes. En définitive, si les troupes avaient eu beaucoup à souffrir