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du Caucase, et une seconde à Saint-Pétersbourg : elles furent renvoyées l’une et l’autre, avec le simple avis qu’il eût à s’adresser au gouverneur-général du Turkestan, par l’intermédiaire de qui les négociations devaient avoir lieu. On lui déclarait en outre qu’aucuns pourparlers ne pouvaient commencer avant qu’il eût livré les prisonniers, ce qui n’était pas une grosse affaire pour lui : il n’y en avait, paraît-il, que 39 dans le Kharizm à cette époque. Mohammed-Rachim eut alors l’idée de réclamer l’assistance de l’émir afghan et du vice-roi des Indes. Tous deux l’engagèrent en retour à consentir aux conditions qui lui étaient faites. Par malheur pour lui, l’une des colonnes mobiles que les généraux russes envoyaient dans le désert subit alors un petit échec. Le commandant, qui, trop confiant dans sa force, ne se gardait pas avec assez de précautions, se laissa surprendre par une bande de Khiviens ; il y perdit presque tout son convoi, ce qui l’obligea de se replier en toute hâte vers la mer Caspienne. Enhardis par ce léger succès, les nomades du Kharizm firent irruption dans la province d’Orenbourg, assiégèrent les postes isolés et s’emparèrent d’une grande quantité de bétail appartenant aux Kirghiz fidèles.

Cette fois l’expédition contre Khiva fut résolue. Le gouvernement russe ne se dissimulait pas les difficultés de l’entreprise. Entouré de trois côtés par des déserts de sable qui n’offrent aucune ressource à une armée en marche, gardé au nord par la mer d’Aral, dont le littoral est tellement ensablé qu’on ne peut l’aborder qu’avec des bateaux plats, le territoire du khan devait offrir encore d’autres obstacles dès que les troupes seraient arrivées dans la zone cultivée. L’oasis qui constitue la partie habitée du khanat n’est autre chose qu’un vaste marécage sillonné par d’innombrables canaux d’irrigation. Le corps expéditionnaire devait être arrêté par chacun de ces cours d’eau, à moins d’emmener un équipage de pontons. Quant à la résistance que le khan était en état de faire, on ne la redoutait pas beaucoup. Son armée régulière existait à peine ; il n’avait pas d’infanterie ; les troupes étaient mal armées. À supposer que les Ousbegs et les Turcomans réunis pussent former une troupe de 30,000 cavaliers, quelques milliers d’Européens devaient suffire à les mettre en déroute. Il était connu d’ailleurs que Khiva est entouré de plusieurs murailles en terre et que même chaque village, chaque lieu habité, est protégé par un mur d’enceinte ; mais que devaient valoir ces fortifications devant l’artillerie moderne ? En réalité, la vraie défense du Kharizm consistait dans les déserts qui l’entourent, déserts que non-seulement il fallait traverser, mais à travers lesquels aussi il était nécessaire de maintenir de poste en poste des lignes de communication. Enfin, quoique l’émir de Bokhara