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et réglée par certains artifices, servait à diviser le jour en parties égales, les cadrans où l’ombre d’un style retraçait la marche du soleil, tous ces appareils, dont en 1587 on se contentait encore, venaient de faire place au plus merveilleux assemblage mécanique qui soit sorti de la main des hommes, je veux parler de l’horloge à roues dentées, à balancier et à échappement. En 1664, une horloge à pendule fut embarquée par Huyghens sur un vaisseau anglais ; en 1669, le duc de Beaufort en emportait une autre dans l’expédition de Candie, mais l’horloge qui devait donner la longitude à la mer ne pouvait être une horloge à pendule ; elle devait naître de l’application d’un autre principe. On en fait justement remonter l’invention à la découverte de l’isochronisme du spiral et à celle du balancier compensateur.

Pierre Le Roy en France, Arnold en Angleterre, avaient confectionné des horloges portatives. Seul, Harrison, en 1736, réussit réellement à construire une horloge marine. Vingt-neuf ans plus tard, en 1765, il réclamait la prime promise par la reine Anne ; sa montre avait déterminé les longitudes en-deçà des limites de précision qu’exigeait l’acte législatif de 1714. Ce n’était pas une horloge, c’était un système qu’on voulait posséder ; Harrison fut invité à développer le sien, et les 20,000 livres sterling ne lui furent adjugées que le jour où il eut mis d’autres fabricans en mesure de reproduire, par l’application de ses principes, les résultats qu’il avait lui-même obtenus. En 1766, un horloger français, Ferdinand Berthoud, fut envoyé par le ministre de la marine, Gabriel de Choiseul, duc de Praslin, pour étudier « cette machine dont la construction était simple, dont l’exécution, en revanche, était très difficile.» Berthoud réussit à en faire une imitation des plus heureuses. Dès 1768, les horloges françaises purent être employées à la rectification des cartes marines. M. de Fleurieu sur l’Isis, M. Verdun de La Crenne sur la Flore, l’abbé Chappe en Californie, les avaient soumises aux plus concluantes épreuves, (c Je crois avoir fait une très bonne carte de la côte d’Afrique, depuis le cap Spartel jusqu’au cap Bojador, en y comprenant les îles Canaries, écrivait en 1776 à Ferdinand Berthoud le chevalier de Borda. Il m’aurait été impossible d’en faire une passable sans vos horloges. »

Arrêtons-nous ici et mesurons du regard le chemin qu’avait fait l’astronomie nautique depuis le jour où Améric Vespuce observait, le 23 août 1499, « la conjonction de la lune et de Mars. » Les plus habiles astronomes ne pouvaient alors réussir à se mettre d’accord sur la position du cap Saint-Augustin. Peu s’en fallut qu’ils ne renonçassent à décider de quel côté de la fameuse ligne de démarcation tracée par le pape tombait cette protubérance du Nouveau-Monde.