Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’une de l’autre, s’entendaient moins bien dès qu’il fallait fixer le moment précis où l’on avait vu le phénomène se produire. Les clepsydres n’étaient cependant pas en défaut. Si ces instrumens, au même instant consultés, se refusaient à indiquer la même heure, c’était au mouvement apparent de la sphère céleste qu’il fallait s’en prendre. Les seuls rapports conformes émanaient de spectateurs placés sous un méridien commun. Signaler une heure d’avance ou de retard dans l’apparition du signe céleste, c’était, sans s’en douter, indiquer 15 degrés de différence dans sa longitude. Le soleil en effet qui nous sert à mesurer la durée met vingt-quatre heures à faire le tour de la terre, une heure par conséquent à franchir un intervalle égal à la vingt-quatrième partie de la circonférence. Éclipses d’astres, occultations d’étoiles, tout ce qui peut marquer un court moment dans l’espace et le marquer à la fois pour divers points du globe, conduira de cette façon au résultat cherché ; seulement ce qui résout la question pour le géographe est bien loin de l’avoir tranchée pour le navigateur. Ces incidens d’une apparition si rare, le navigateur n’a pas le temps de les attendre. Ajoutons que, pour la plupart, il n’a pas le moyen de les observer. « Le branlement du navire, » pour employer l’excellente expression de l’abbé Denys, ne permet pas aisément de braquer du pont de nos vaisseaux des lunettes sur ces points lumineux dont on ne distingue pas la présence à l’œil nu. Quand, après l’invention des lunettes achromatiques, on eut substitué aux lunettes de 12 et 15 pieds de longueur des lunettes qui n’en avaient plus que trois ou quatre, on crut qu’il allait suffire de soustraire l’observateur aux oscillations du vaisseau pour retenir les astres dans le champ de l’instrument. On reprit donc à ce sujet en 1759 et plus tard en 1771 une idée qui paraît avoir été pour la première fois émise en 1567. Une chaise à double suspension fut construite, on attacha cette lourde machine à une vergue entre le grand mât et le mât d’artimon. L’astronome s’y assit avec sa lunette ; mais il trouva bientôt que les mouvemens du fauteuil-mécanique, en dépit du poids considérable dont on l’avait chargé, s’ils étaient devenus moins étendus et plus lents que ceux du navire, étaient en revanche plus irréguliers.

Pour conclure de l’observation des astres la longitude en mer, Améric Vespuce avait eu l’excellente pensée de tirer parti de leurs distances réciproques. L’intervalle qui sépare les étoiles fixes reste, il est vrai, toujours le même ; des étoiles aux planètes, il ne se modifie que très lentement ; la lune seule a un mouvement propre qui rend ses déplacemens dans le ciel très sensibles. Quand leurs calculs aboutissaient à quelque invraisemblance trop grossière, Améric