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voûte céleste la place que son nom semble lui assigner ? « Par une providence toute juste, quoiqu’elle nous soit inconnue, Dieu n’a pas voulu nous obliger de cette grâce. L’étoile polaire est proche du pôle, elle n’est pas néanmoins le pôle, » et les pilotes de Dieppe, s’ils n’avaient eu l’idée de s’adresser à une étoile voisine, à la claire des gardes, ne seraient jamais venus à bout « d’ajuster cette affaire. » Ayant supputé de combien de degrés ou minutes l’étoile du nord est au-dessus ou au-dessous du pôle, pendant que la claire des gardes décrit son cercle habituel, « ils composèrent des tables pour y marquer, vis-à-vis de ces rumbs, le nombre de degrés et minutes qu’il fallait ajouter ou soustraire pour tirer de la hauteur de l’étoile la véritable élévation du pôle. »

Du moment qu’il fallait relever une étoile au compas, observer la hauteur de l’autre au-dessus de l’horizon, consulter en outre des tables, autant valait s’adresser au soleil. Pourvu que l’on saisit le moment où cet astre atteignait le point culminant de sa course, il n’y avait qu’un chiffre à soustraire de sa distance au zénith ou qu’un chiffre à y ajouter pour obtenir directement la latitude. Ce chiffre, on le rencontrait déjà dès le XIIIe siècle dans les Tables alphonsines ; on le trouvait beaucoup plus exact-au XVe dans les éphémérides de Regiomontanus ; il s’appelle la déclinaison. Le soleil en effet n’est pas tous les jours à la même distance de l’équateur. Suivant la pittoresque expression de l’abbé Denys, « il biaise à la ligne. » Il faut donc, pour conclure de sa hauteur à midi l’élévation du pôle, tenir compte à la fois de sa distance au plan équatorial et de sa position au-dessus de l’horizon. Le dernier des caboteurs ne négligerait pas de nos jours certaines corrections dépendant de la dépression, de la réfraction, de la parallaxe ; au XVIIe siècle et à plus forte raison au temps des grandes découvertes, on n’y regardait pas de si près. Quand l’abbé Denys conduisait ses écholiers au bord de la mer pour leur apprendre à observer la hauteur du soleil, il avait remarqué qu’il pouvait se placer indifféremment sur le galet ou monter sur une falaise haute, suivant son calcul, de 84 pieds. « Jamais l’observation n’avait présenté la moindre différence. Chacun trouvait sa latitude aussi bien en haut comme en bas. » Voilà où en était l’astronomie nautique en l’année 1673. Qu’on se garde bien d’imputer la morale facile dont nous lui voyons faire preuve à des notions de géométrie incomplètes ; cette morale se mettait simplement d’accord avec l’imperfection notoire des instrumens. La précision ne commence pour les observations nautiques qu’avec l’invention des instrumens à réflexion.

La détermination de la latitude heureusement est peu exigeante. Les erreurs commises dans l’observation de la hauteur ne s’y multiplient