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que nous attendons de l’astronomie. L’observation des astres ne remonte pas pour la marine au-delà du XVe siècle. Elle date du jour où les Portugais parvinrent à acclimater sur leurs caravelles l’astrolabe de Raymond Lulle, perfectionné par Martin Behaim. Cet astrolabe, simple cercle divisé muni d’une alidade aux deux extrémités de laquelle se dressait une pinnule, resta en usage sur nos vaisseaux jusqu’aux dernières années du règne de Louis XIV. Pour s’en servir, on le tenait généralement à la main, suspendu verticalement par un anneau. « Il faut prendre garde, disait à ce sujet le bon abbé Denys, il faut prendre garde au branlement du navire et choisir le lieu où il y ait le moins de mouvement, lieu qui est proche du grand mât. Alors, après avoir passé l’anneau dans son doigt, on laissera pendre l’astrolabe avec toute sorte de liberté, puis on baissera ou haussera l’alidade, jusqu’à ce que les rayons de l’astre passent justement par les trous qui sont au milieu des pinnules. C’est ainsi, remarque fort à propos le professeur de Dieppe, que furent faites les premières navigations des Indes ; mais tous les jours, a-t-il soin d’ajouter, apportent dans la science de nouvelles lumières. » Après l’astrolabe, après le quartier et l’anneau astronomique, vint enfin cet instrument que nos pilotes appelaient indifféremment la flèche, l’arbalète, l’arbalestrine, le bâton de Jacob, — « simple bâton équarri en effet sur lequel, le tenant horizontalement, on faisait couler des traversaires en croix nommées des marteaux. » Le bon abbé ne peut parler de cet instrument qu’avec enthousiasme, « Le marteau, dit-il, qui va et vient le long de l’arbalète, représente le soleil ou les étoiles auxquels on prend hauteur. Plus ce marteau sera proche du bout de l’œil, moins le soleil ou les étoiles seront éloignés du zénith, — le zénith est le point du ciel qui se trouve au-dessus de nos têtes, — plus ils seront élevés sur l’horizon. »

Que l’on disposât, comme Barthélémy Diaz, comme Christophe Colomb, comme Améric Vespuce, de l’astrolabe et du quart de cercle, ou, comme l’abbé Denys, du bâton de Jacob, de quelle façon arrivait-on à se procurer par l’observation et par le calcul les deux élémens dont on avait besoin pour marquer « son point » sur la carte, la latitude et la longitude ? « C’est une maxime de la sphère, exposait en son naïf langage aux « écholiers » de Dieppe le professeur choisi par le grand roi, que l’on est autant éloigné de la ligne équinoxiale que le pôle du monde est élevé sur l’horizon. » Observer la hauteur angulaire du pôle, c’est donc en réalité mesurer sa propre distance à l’équateur, autrement dit c’est se procurer par un équivalent la connaissance de la latitude. Y aurait-il vraiment opération plus prompte et plus facile, si l’étoile polaire occupait sur la