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le projet de loi édicté que, indépendamment des condamnations de droit commun encourues par les auteurs ou complices d’incendies de forêts, les tribus ou douars des coupables pourront, en tout territoire, être frappés d’amendes collectives et privés temporairement de leurs droits d’usage dans les bois qu’ils auraient incendiés. Cette privation sera même applicable en cas d’incendies qui, allumés en dehors des terrains boisés, les auraient atteints, contre la volonté des indigènes, par l’effet de l’incurie ou de l’imprudence de ces derniers.

Les mesures ainsi proposées contre les incendies de forêts ne sont pas précisément des innovations. On les retrouve dans les arrêtés et circulaires des gouverneurs-généraux, et l’on voit qu’elles n’ont pas eu une efficacité bien grande; le gouvernement espère leur donner plus de force en les convertissant en loi. Ce n’est pas que les pouvoirs aient manqué aux gouverneurs-généraux pour rendre leurs décisions, ils en possédaient d’à peu près illimités à cet égard; mais des scrupules de légalité les arrêtaient quelquefois, et ils éprouvaient à en poursuivre l’exécution des hésitations qu’ils ne ressentiront plus du jour où elles seront prescrites par le pouvoir législatif et souverain du pays, au lieu d’émaner de leur autorité personnelle.

Suffira-t-il de tenir rigoureusement la main à l’exécution de ces melures pour ramener la sécurité? La commission parlementaire désignée pour examiner le projet de loi ne trouvait pas, tout en approuvant ces dispositions et en les adoptant, qu’elles suffiraient à garantir la sécurité de nos établissemens forestiers, et elle proposait, pour le cas où les incendies prendraient un caractère incontestablement hostile à notre domination, de recourir à des moyens plus énergiques; l’arsenal de la législation algérienne, notamment une ordonnance royale du mois d’octobre 1845, contient une arme de répression formidable à l’encontre des faits de cette nature, c’est la mesure du séquestre, récemment mise en vigueur à la suite de l’insurrection de 1871. Le séquestre est le prélude de la confiscation, peine qui a depuis longtemps disparu comme injuste de nos codes, parce qu’elle frappait non seulement le coupable, mais qu’elle atteignait encore derrière lui sa famille. Toutefois la raison qui l’a fait maintenir pour les cas d’insurrection armée en légitime également l’emploi lorsque l’ennemi nous combat avec la flamme au lieu du fer.

Du reste il y a lieu d’espérer que l’édiction de cette loi sera simplement comminatoire, non pas qu’elle soit faite avec l’arrière-pensée de ne pas s’en servir, mais la crainte du séquestre pourra empêcher l’explosion des sentimens hostiles, elle éteindra la torche aux mains des incendiaires. Les indigènes redoutent peu la responsabilité collective pécuniaire, parce que, aux temps où cette mesure existait, elle n’a été en réalité que lettre morte. On frappait bien des amendes considérables sur les tribus, et celles-ci de crier aussitôt misère, de solliciter