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même en rase campagne contre nos soldats? Ainsi en 1835, au désastre fameux de la Macta, il en périt bon nombre au milieu des flammes dont on avait entouré nos régimens, et nous avons parfois emprunté cette arme aux indigènes pour leur rendre la pareille.

La conservation des bois en Algérie, surtout après l’appauvrissement forestier que nous avons subi par la perte de l’Alsace, constitue un intérêt national de premier ordre que l’on ne saurait trop protéger; il ne pouvait échapper à la sollicitude du gouvernement, qui a réuni à Alger, pour rechercher les mesures les plus efficaces en vue de ce résultat, une haute commission forestière; de ces délibérations est sorti le projet de loi soumis à l’assemblée nationale. Les dispositions en sont préventives et répressives; elles commencent par interdire absolument, du 1er juillet au 1er novembre de chaque année, époque où les incendies sont le plus à craindre, l’usage du feu dans l’intérieur et à 200 mètres des bois et forêts, même pour la fabrication du charbon, l’extraction du goudron et la distillation des résines. Le feu est, pour les colons comme pour les indigènes, un moyen de défrichement, de nettoyage et de fumure économique des terres. Il a de plus l’avantage de ne pas les exposer à des émanations insalubres, on ne pouvait donc songer qu’à en réglementer sagement l’emploi. C’est ce que fait le projet de loi en défendant de mettre le feu dans les propriétés communales ou particulières aux broussailles, herbes ou végétaux sur pied, sans la permission préalable de l’autorité locale, qui devra elle-même indiquer les mesures de précaution à prendre, s’assurer que ces mesures ont été prises, fixer ensuite publiquement le jour et l’heure de la mise à feu, et imposer à tous propriétaires particuliers, communes, états limitrophes de terrains boisés ou couverts de broussailles, l’obligation d’isoler les fonds contigus par l’ouverture et l’entretien d’une tranchée de largeur déterminée, nettoyée de plantes quelconques. En outre, pendant la période estivale, le projet place auprès des administrateurs des régions boisées une force publique commandée par un officier investi, pour la constatation des délits, des fonctions de la police judiciaire; il astreint enfin, durant le même temps, les indigènes des zones forestières à un service de surveillance, et permet d’organiser des services de secours contre l’incendie.

Ces dispositions, pleines assurément de prudence, sont sanctionnées par des pénalités en dehors du droit commun. Ainsi les contraventions aux prescriptions et aux arrêtés du gouverneur-général en rendent les auteurs passibles d’une amende de 20 à 500 francs et d’un emprisonnement de six jours à six mois. Les juges de paix à compétence étendue, auxquels les décrets qui les instituent ont déféré la connaissance des délits correctionnels entraînant un maximum de six mois d’emprisonnement, sont spécialement désignés pour juger ces contraventions, ce qui permettra de montrer la répression aussitôt après la faute. Enfin