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n’a tenu compte ni des engagemens de la loi du 20 novembre, ni des instances de M. le président de la république, récemment renouvelées par un message presque impérieux ; on avait hâte d’en finir. Voilà tout ce que l’assemblée a pu faire en neuf mois, et les légitimistes, comme pour accentuer la déroute des promoteurs de l’organisation constitutionnelle, n’ont pas manqué de revendiquer le droit de renouveler leurs tentatives en faveur de la monarchie. Est-ce par ce spectacle d’impuissance qu’on prétend maintenir le crédit d’un parlement souverain et rassurer le pays, en lui offrant comme gage de l’activité féconde qu’on déploiera au mois de décembre la bonne volonté qu’on vient de montrer ?

Si du moins l’assemblée, s’élevant au-dessus des divisions de partis et se dégageant des préoccupations d’un ordre tout politique, s’était attachée résolument, fermement à toutes ces questions administratives, militaires, financières, qui ont plus que jamais aujourd’hui un intérêt essentiel pour le pays, ce ne serait rien encore. Malheureusement c’est tout le contraire, et cette longue session qui vient de finir est loin de laisser un héritage d’œuvres sérieusement méditées, ayant un caractère d’utilité nationale. Les questions qui peuvent solliciter, passionner les esprits réfléchis et sincèrement patriotes ne manquent pas cependant. Il y a, il est vrai, une loi municipale qui avait été préparée pendant trois ans par la commission de décentralisation. Cette loi s’est évidemment ressentie des incohérences parlementaires au milieu desquelles elle s’est aventurée, elle a été discutée, votée un peu à bâtons rompus, sous la pression de mille considérations politiques, à travers toute sorte de diversions, et en fin de compte ce n’était peut-être pas la peine de paraître vouloir renouveler la vie municipale pour arriver à un si modeste résultat. Ce qu’on a fait pour l’armée, pour les défenses de Paris ou de l’est, pour les sous-officiers, n’est point assurément sans importance. Il n’est pas moins vrai que pour l’assemblée, comme pour le gouvernement, la réorganisation des forces militaires de la France est à peine ébauchée, qu’il y aurait à ressaisir cette œuvre d’une main plus vigoureuse, avec plus de suite et d’ensemble, avec un esprit plus dégagé de toutes les routines, et il faudrait commencer par cette loi des cadres qui touche à la constitution même de l’armée, qui est malheureusement restée encore une fois sur le programme des futurs travaux parlementaires. On était trop pressé pour y songer. Quant aux finances, c’est une autre question qui valait certes qu’on l’abordât avec un zèle résolu à poursuivre la solution jusqu’au bout. L’assemblée a fini par y mettre de la fatigue, comme dans le reste, de l’impatience et du décousu, ne sachant plus trop comment venir à bout d’un problème qu’on peut tourner dans tous les sens, qui se résout toujours fatalement par des charges nouvelles.

Depuis huit mois, l’assemblée est restée en face de deux budgets, — celui de 1874 et celui de 1875, — qu’elle n’est point arrivée à mettre