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REVUE. — CHRONIQUE.

exclure tour à tour la république ou la monarchie sans décourager personne, en laissant à tous la liberté de leurs espérances. Que peut-être un ajournement dans ces conditions ? Ce n’est qu’un repos troublé par toutes les craintes de l’inconnu, une incertitude prolongée et aggravée, avec la chance de voir se reproduire dans quatre mois les mêmes luttes, les mêmes confusions, les mêmes impossibilités. Il y a une chose dont ne semble pas se douter cette assemblée de Versailles qui va bientôt avoir quatre années d’existence : c’est qu’après avoir rendu les plus éminens services au pays, elle n’arrive qu’à maintenir la situation la plus extraordinaire, la plus révolutionnaire, une situation où elle ne peut ni suffire à cette nécessité d’organisation constitutionnelle qui est sa suprême raison d’être, ni même expédier les affaires les plus simples, les plus pressantes.

On vient de le voir par cette longue session en apparence si agitée, si occupée, en définitive si complètement stérile, et surtout par ces dernières semaines où l’assemblée n’a eu d’autre souci que d’échapper aux difficultés qui la pressaient, au devoir de prendre une résolution. Neuf mois de session, c’est beaucoup sans doute, ce serait beaucoup, si ces neuf mois avaient été à demi employés. En réalité, qu’a-t-on fait ? L’œuvre la plus sérieuse, la plus décisive, si l’on veut, a été la loi du 20 novembre 1873, qui a institué un gouvernement pour sept ans. Oui, on l’a créé, ce gouvernement, dans la première anxiété qui a suivi l’échec des tentatives monarchiques ; on l’a créé, mais on ne l’a pas organisé, et on a passé le reste de la session à se repentir de ce qu’on avait fait le premier jour, à batailler sur le sens de cette loi qu’on ne savait pas si mystérieuse, à se perdre dans des conflits d’interprétations qui ont fini vraiment par.laisser la question indécise. L’assemblée a mis au monde un phénomène assez singulier en politique, un pouvoir exécutif fort légal assurément, incontesté en principe, mais isolé, incomplet, réduit à vivre incessamment de l’appui d’une majorité qui s’est décomposée le jour où M. le duc de Broglie a voulu proposer un essai d’organisation. Que reste-t-il de cette œuvre constitutionnelle si solennellement promise par la loi du 20 novembre, si laborieusement poursuivie en apparence depuis neuf mois ? M. le duc de Bisaccia a proposé tout simplement la monarchie, et la monarchie a été renvoyée à une commission qui s’est chargée de l’ensevelir avec considération. M. Casimir Perier a proposé la république définitive, sauf révision dans sept ans, et la république a été repoussée. La commission des trente, pressée par le gouvernement, a proposé une organisation particulière. Cette fois le projet n’a pas été absolument repoussé, il n’a été qu’ajourné. C’était peut-être encore un moyen ingénieux d’échapper par l’ajournement et par les vacances à un vote qui menaçait d’être désastreux. Le projet de la commission des trente n’eût point été vraisemblablement plus heureux que les autres. Tout a donc été proposé, rien n’a été admis. On