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l’était en Néerlande ; mais dans la sphère de leur compétence elles peuvent agir librement et souverainement. Dans les Provinces-Unies au contraire, elles étaient presque toutes tenues d’obéir aux volontés des pouvoirs locaux dont elles émanaient. Aux États-Unis, le président est élu par le pays tout entier, dont il représente essentiellement l’unité; dans les Pays-Bas, le stathouder était nommé séparément par les provinces. Plusieurs d’entre elles eurent même un stathouder particulier, d’autres refusèrent d’en choisir un, et plus d’une fois pendant une suite d’années on n’en désigna aucun. Ainsi le président est une autorité fédérale, tandis que le stathouder n’était qu’un fonctionnaire provincial. En Amérique, le congrès règle comme il le juge bon les matières qui sont de sa compétence; aux Pays-Bas, les états-généraux devaient en référer aux états provinciaux, et ceux-ci aux villes et aux ordres qu’ils représentaient, de sorte qu’en réalité la souveraineté était exercée directement par les cinquante-six « bonnes villes » et par les différens corps de la noblesse des sept provinces. Aux États-Unis, on a compris que, pour certains intérêts vitaux dont dépend le salut de l’état, il faut absolument fortifier l’action du pouvoir central. En Suisse, à plusieurs reprises déjà, notamment après 1815, après 1830 et après 1848, c’est-à-dire après chaque grande commotion européenne, on a réformé dans ce sens le pacte fédéral, et en ce moment même, à la suite des graves événemens de 1870, un nouveau projet de révision de la constitution vient d’être ratifié par le vote plébiscitaire du peuple suisse. Dans les Provinces-Unies au contraire, l’esprit provincial est allé en se fortifiant, et il tendait à réduire le pouvoir déjà trop limité et surtout trop entravé des autorités centrales.

Les sept provinces qui formaient la république néerlandaise étaient, on le sait, la partie septentrionale du puissant état des ducs de Bourgogne, lequel comprenait les dix-sept provinces des Pays-Bas. Seules elles parvinrent, grâce à l’héroïsme que leur inspirait la foi réformée, à défendre leurs libertés et à conquérir leur indépendance sur l’Espagne, tandis que la partie méridionale de ce magnifique domaine retombait aux mains de l’étranger pour s’affaisser sous l’influence de Rome et servir d’enjeu et de champ de bataille aux luttes séculaires entre la France et l’Allemagne. Au xie siècle, c’est-à-dire au moment où commence l’histoire moderne pour cette région écartée, on distingue quatre états complètement indépendans, le comté de Hollande, auquel s’adjoignit enfin la Zélande, longtemps revendiquée par la Flandre, l’évêché d’Utrecht, auquel furent réunies l’Overyssel et la Drenthe[1], le comté de

  1. L’Overyssel, ou « pays au-delà de l’Yssel, » était la contrée d’origine des Francs Saliens, qui avaient pris le surnom de la Sala ou Yssel, rivière aux bords de laquelle ils s’étaient fixés. C’est là que fut rédigée la loi salique, car Saleheim et Windeheim, dont parle le texte, se retrouvent encore dans ce pays sous le nom de Zalk et de Windesheim. La Drenthe était un domaine de chasse des empereurs d’Allemagne, qui fut donné à l’évêque d’Utrecht en 943 : on possède Pacte de donation. Cette province, n’ayant pas de représentans aux états-généraux, n’était pas comptée comme la huitième de l’union.