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qu’il avait servis. « Pour moi, me répondit-il avec la naïveté du langage populaire, celui qui entendait le mieux son affaire était encore le duc d’Albuféra. Ses soldats n’avaient jamais faim et ils étaient toujours chaussés, aussi l’aimaient-ils beaucoup. » La moitié au moins des succès du duc d’Albuféra trouve son explication dans cette reconnaissance prolongée du vieux soldat.

Ce qui assure le succès en ce monde, ce ne sont pas les dons extraordinaires, c’est le bon emploi que nous faisons de ceux que nous avons reçus, quels qu’ils soient. C’est par ce mot que je veux conclure ce que j’avais à dire de la carrière et de la fortune de Suchet.


III. — LES ÉGLISES DE LYON. — L’ASCENSION DU PÉRUGIN ET LE BUSTE DE MME RÉCAMIER DE CANOVA. — UN PEINTRE LYONNAIS, CLAUDE BONNEFOND.

Je parlerai peu des églises de Lyon, et cela non-seulement parce qu’elles ont été plusieurs fois décrites, mais parce qu’en dehors de leur architecture elles n’offrent qu’un assez faible intérêt. Chose curieuse, il semblerait au premier abord que les édifices religieux d’une ville qui est le siège primatial des Gaules dussent être abondans en monumens et en souvenirs, c’est tout le contraire qui est vrai. Les monumens ont été brisés soit pendant les guerres religieuses, soit pendant la révolution; mais, même avant toute destruction, il ne semble pas qu’ils aient jamais été ni bien nombreux ni bien précieux. Le mobilier de ces églises est entièrement neuf, les œuvres d’art qu’elles contiennent sont d’hier et de ce matin, cette statue de la Vierge est de M. Bonnassieux, cet autel est de M. Fabisch, en sorte qu’en nous expliquant sur ces artistes nous avons épuisé d’avance ce qu’elles peuvent offrir d’attrait. Quant aux souvenirs, ils sont pour la plupart plus nobles que réellement illustres, et lorsqu’elles en consacrent de sérieusement grands, ils se perdent tellement dans la nuit des temps que les édifices n’ont plus avec eux aucun rapport, ni prochain ni éloigné. Voici Saint-Nizier par exemple ; selon la tradition, cette église a été bâtie primitivement sur la place où saint Pothin éleva le premier autel chrétien qui ait été construit en Gaule. Certes voilà un vénérable souvenir; maintenant entrons dans Saint-Nizier. C’est une très belle église de la seconde époque du gothique, ouverte par un admirable porche de la renaissance, œuvre d’un illustre Lyonnais, Philibert Delorme, qui, n’ayant pour le style gothique qu’un amour modéré, s’est peu préoccupé de mettre ledit porche en harmonie avec le reste de l’édifice. Église gothique, porche de la renaissance! en quoi cela