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de cette horloge, vous répondrez qu’elle représente la loi nécessaire à laquelle obéit le crédit, qui se refuse naturellement à celui qui penche vers la ruine et s’offre non moins naturellement à celui qui s’avance vers la fortune. — On peut y voir encore, me répondit-elle, l’image de la hausse et de la baisse. — Je l’assure que cette interprétation est excellente aussi, et je l’engage à la joindre à la mienne pour en constituer une philosophie complète sur cette matière, philosophie qu’elle pourra faire imprimer et céder aux visiteurs moyennant une légère redevance.

On ne s’explique guère que, possédant de tels artistes, Lyon ait eu besoin de s’adresser à d’autres pour le monument qu’elle a voulu consacrer à la mémoire du maréchal Suchet. On aura pensé sans doute que, MM. Fabisch et Bonnassieux ayant modelé plus de vierges et de saintes que de maréchaux de France, un tel sujet les sortirait par trop de leurs habitudes, et qu’il valait mieux s’adresser à un artiste qui eût une longue pratique de ces sortes de monumens. On s’est donc adressé à M. Dumont, à qui l’expérience ne saurait manquer en pareille matière, tant sont nombreuses les statues monumentales sorties de son atelier. L’œuvre, qui possède toutes les qualités de correction de cet artiste, présente une fort étroite ressemblance avec la statue du maréchal Davout qu’elle a précédée et dont elle peut être considérée comme le modèle, car l’attitude est à peu de chose près la même, et le geste très bien trouvé par lequel Suchet porte la main sans appuyer sur la poignée de son épée a été identiquement reproduit dans la statue de Davout. Peut-être aussi l’individualité du maréchal aurait-elle pu être accentuée davantage, j’ai quelque peine à retrouver dans ce bronze les traits caractéristiques de cette physionomie, telle au moins que nous l’a fixée le pinceau d’Horace Vernet, c’est-à-dire une extrême bienveillance dans l’ensemble du visage, et par contraste une expression de dédain très marquée aux coins de la bouche, qui est rentrée comme par un mouvement prémédité et voulu. Le désaccord est tel entre ces deux expressions du même visage qu’on dirait en effet que la seconde est le résultat d’un effort et qu’elle a été adoptée par une résolution de l’âme comme un préservatif salutaire pour intimider toute familiarité et éloigner d’une bonté naturelle trop facile les dangers des assauts qui lui seraient livrés si elle était reconnue; mais sans doute ce sont là des nuances que la peinture reproduit plus aisément que la sculpture. Quels que soient d’ailleurs les mérites et les défauts de cette statue, j’en suis bien vite détourné par une pensée qui se présente à mon esprit et qui est assez intéressante pour que je ne l’abandonne pas.

Est-il bien vrai, comme on le dit, que la fortune fait toujours payer ses faveurs, et n’est-ce pas nous plutôt qui par nos imprudences,