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— Witt! witt! witt! witt! witt! witt! fit le chœur comme un écho.

— Qui est la huppe ? s’écria Larion en se levant.

— Qui serait-ce, sinon toi-même ? répondit Cyrille, et cette paonne orgueilleuse t’a pris parce que tu es riche et moi gueux, mais le lit de noce est préparé pour moi, car moi, je suis son galant.

Un tumulte épouvantable s’ensuivit. Larion saisit Cyrille par le pied; d’une ruade violente, celui-ci le renversa. Les autres se jetèrent sur le pauvre voleur, que la jalousie rendait fou, et l’entraînèrent hors de la maison, tandis que les coups pleuvaient sur son dos. — Je prendrai ma revanche, je la prendrai sur vous tous ! rugissait Cyrille d’une voix étouffée.

On releva Larion, le sang lui sortait du nez. — Je veux lui faire voir qui est le maître ici ! s’écria-t-il exaspéré; viens, Théodosie, ma colombe, ma mignonne, ma paonne, viens donc, n’aie pas peur,... les valets nous garderont,... lâchez les chiens, lâchez les chiens...

— Moi avoir peur ! dit Théodosie. J’ai du courage pour nous deux ! Les témoins, les demoiselles d’honneur, les chanteuses, entourèrent les nouveaux mariés pour les conduire au lit nuptial.

— Cyrille! Cyrille! — entendis-je crier au milieu des éclats de rire. Je m’avançai. Attaché au chevet des époux s’étalait un énorme bois de cerf.

— C’est Cyrille qui a fait cela ! dit Théodosie indignée. — Puis elle se mit à rire en vociférant des injures : — Que Dieu punisse ce vaurien, ce voleur! Que le diable nous délivre de lui!

Larion cependant accourut avec une hache pour mettre en pièces l’affreux emblème; mais, étourdi comme il l’était par le vin et l’eau-de-vie, il entamait en même temps la muraille.

Je quittai, singulièrement agité, la maison nuptiale et cherchai Cyrille, mais il n’était ni chez lui, ni au cabaret, ni ailleurs. Machinalement, je retournai au moulin de Théodosie. Les murailles blanches se détachaient dans les ténèbres, l’une des fenêtres était éclairée. Soudain brilla auprès de la grange, l’espace d’une seconde seulement, une autre lumière, comme celle qui se dégage du choc d’un couteau et d’une pierre à fusil. Le morceau d’amadou qui prit feu éclaira la figure décomposée de Cyrille, sa petite pipe entre les dents. — Ce ne fut qu’une seconde.

— Cyrille! appelai-je, saisi d’une angoisse inexprimable, Cyrille! Personne ne répondit; seuls, la roue du moulin et le ruisseau continuèrent à bruire. J’aperçus dans le sentier un grand chien blanc qui aboyait, et dans la maison nuptiale le dernier flambeau s’éteignit.

Je retournai lentement chez moi. Sur le perron, je m’arrêtai une fois de plus pour regarder dans la direction du moulin, comme si