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HISTORIENS CONTEMPORAINS

AMEDEE THIERRY. — SON ŒUVRE HISTORIQUE.

Il y a un peu plus d’une année, l’école historique française a perdu un de ses meilleurs représentans, un de ceux qui, continuant à leur façon les méthodes des maîtres illustres dont quelques-uns survivent, se sont placés tout auprès d’eux, avec des titres nouveaux. Amédée Thierry est mort en mars 1873, vaincu non pas, ce semble, par ses soixante-seize ans, mais par une maladie accidentelle comme il en arrive à tout âge; il a été frappé dans la plénitude d’une virile ardeur et d’un noble talent. Soyons, tant qu’on voudra, les observateurs attentifs et, quand il y a lieu, les approbateurs impartiaux de la science étrangère : nous le pouvons sans danger, l’esprit français ayant trop conscience de lui-même après tout pour se laisser aller aux défauts des autres peuples, et ne voulant plus être assez exclusif pour demeurer insensible à leurs bons exemples; mais ne méconnaissons pas nos propres savans alors que l’Europe nous les envie, et ne laissons pas disparaître du milieu de nous sans lui rendre hommage l’éminent historien que nous avons particulièrement ici le droit de regretter. Amédée Thierry a occupé la renommée pendant un demi-siècle, puisque son premier livre important date de cette même année 1828, marquée par les noms retentissans de MM. Guizot, Cousin et Villemain. En s’ouvrant à distance et en suivant avec résolution sa voie particulière, il s’est associé à la gloire de ses prédécesseurs et à celle de son frère. La moindre de ses qualités n’a pas été cette opiniâtreté de travail qui, chez l’historien surtout, devient vertu féconde : il lui a dû l’heureux développement des traits vraiment originaux qui signalent son œuvre.

Ce n’est pas une biographie que nous voulons faire; pour nous,