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à une foule de créatures de vivre à peu près tranquilles. Parées de vives nuances, d’ordinaire réunies en masses sur des plantes basses, les punaises des bois et des champs ne peuvent guère manquer d’être vues des oiseaux insectivores; mais, si la jeune fauvette s’est laissé tenter, instruite par une désagréable expérience, elle cessera d’inquiéter les bêtes puantes. La plupart des punaises portent un sachet à odeur ; sous la menace du danger, elles ouvrent l’orifice, et chacun sait combien l’odeur est repoussante. Maintenant il y a les espèces incapables de se dissimuler et de se soustraire au péril; celles-ci trompent par une sorte de déguisement, elles ressemblent par l’aspect à des créatures mieux douées; c’est à elles que s’applique le mot de mimicry. Des lépidoptères ont donné lieu aux premières observations sur ce sujet.

Dans l’Amérique du Sud, au milieu des parties boisées, abondent les héliconies, de charmans papillons d’espèces infiniment variées. Tout est gracieux chez ces êtres ; le corps svelte, de grandes antennes, des ailes longues, délicates, quelquefois demi-transparentes, ornées de taches et de bandes rouges, jaunes, blanches sur un fond noir, bleu ou brun, offrent l’image d’une élégance parfaite. Les héliconies ont un vol faible et lent; faciles à prendre, leur riche parure, leur nombre considérable, appellent tous les regards, et cependant elles habitent les forêts où vivent les oiseaux qui comptent parmi les plus actifs chasseurs d’insectes. Des morceaux d’ailes de papillons de plusieurs genres déchirés par le bec des voraces insectivores se voient souvent sur la terre; jamais, disent MM. H. Bates et A. Wallace, on ne découvre le moindre fragment d’une héliconie. Le mystère a été dévoilé, les belles héliconies sont protégées à la façon des punaises; dès qu’on les touche, suinte par des pores une liqueur nauséabonde, et les doigts qui en ont reçu l’atteinte conservent l’odeur après plusieurs lavages ; les oiseaux n’ont que du dégoût pour ces papillons très jolis avoir, mais sans doute détestables à manger.

Dans un genre très nombreux de lépidoptères, le blanc domine; ce sont les piérides ou les papillons de chou, comme chacun les désigne. Longtemps on s’étonna de trouver des espèces américaines de ce groupe ayant des formes et des couleurs semblables à celles des héliconies au point de causer des méprises. Les piérides et les héliconies sont des représentans de deux familles très distinctes. Les premières ont toutes les pattes bien développées, elles sortent d’une chrysalide attachée par une ceinture; les héliconies, comme toutes les nymphalides, ont les pattes antérieures atrophiées : de la sorte l’insecte, posé sur une fleur ou sur une tige, paraît n’avoir que quatre pattes; la chrysalide est suspendue par l’extrémité du corps. Ainsi la confusion est impossible. Les piérides aux ailes longues et