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une écorce, ne risque guère d’être aperçu de l’oiseau en quête de sa nourriture. Plusieurs espèces de proportions minimes se reposent souvent sur les feuilles vertes; de loin, c’est une tache très distincte où le gris et le noirâtre se mêlent au blanc pur. Il a fallu les fréquentes méprises des amateurs pour reconnaître un singulier genre d’imitation. Ces insectes, qui s’exposent si ostensiblement à tous les regards, sont fort bien protégés par les couleurs ; ils ont absolument l’aspect des fientes d’oiseaux. Les lépidoptères, qui paraissent dans les mois de septembre et d’octobre, affectent la plupart des teintes qui s’harmonisent avec la végétation de l’automne. L’apparence d’une feuille morte se retrouve chez plusieurs espèces, et feuille morte est devenu le nom vulgaire d’un gros papillon aux ailes dentelées, assez commun en France[1]. Aux jours d’hiver, lorsque le ciel est serein, voltigent encore quelques phalènes; pâles, argentées, les pauvres créatures semblent ne devoir chercher refuge que sur la pierre et ne traverser que des champs de neige.

Lorsqu’on vient à considérer les lépidoptères diurnes, à la vue des riches dessins des ailes, des nuances vives, des couleurs étincelantes, une seule pensée s’empare de l’esprit. On ne se figure tant de beauté que pour répandre un grand charme sur la nature. Parés d’une façon merveilleuse, les papillons se montrent partout au grand jour comme pour exciter l’admiration; — les voyageurs les plus indifférens qui parcourent les contrées tropicales sont eux-mêmes éblouis par l’éclat de certaines espèces. Au premier abord, il est impossible de songer que des créatures si brillantes puissent être jamais dissimulées par la coloration, et pourtant il y en a des exemples. Au vol, les papillons diurnes étalent tous leurs ornemens, mais au repos ils les cachent; les ailes, dressées contre le corps, ne présentent aux regards que la face inférieure, colorée d’ordinaire de teintes assez douces. Au printemps voltige dans les avenues de nos bois le joli papillon, de loin reconnaissable à une grande tache orange; de son nom vulgaire, c’est Y aurore. Posé sur les têtes des ombellifères, l’insecte, aux ailes blanches en dessous et persillées de vert, semble faire partie de la plante. Des lépidoptères de l’Amérique du Sud, qu’on cite parmi les plus élégans, ont la face inférieure des ailes brune avec des rayures et des taches plus sombres, — une véritable imitation d’écorce fendillée ; ils ne se tiennent que sur les troncs d’arbres. Des nymphales de l’Inde, des îles de la Sonde et des Moluques, ornées en dessus d’une large bande jaune orange sur un fond d’un bleu chatoyant magnifique[2], se voient à longue distance, si elles volent; au repos, aucune marque

  1. Le Lasiocampa quercifolia.
  2. Callima inachis et C. paralecta.