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L’éléphant n’a jamais été domestiqué en Afrique, et les Africains se refusent à croire que l’homme puisse se faire obéir de cet animal. Les Abyssins arrivaient de tous côtés sur le passage de l’armée anglaise pour contempler ce miracle d’éléphans apprivoisés; ils pouvaient à peine en croire leurs yeux. Ce qui était plus étonnant que l’obéissance de l’éléphant à l’homme, c’était le spectacle des services auxquels il se soumettait. On employa ces animaux d’a- bord à transporter des provisions de Zula vers le front de l’armée, et ensuite pour le transport de la grosse artillerie à partir d’Antalo, à mi-chemin de Magdala; jusqu’à cet endroit, l’état des routes avait permis aux attelages de traîner les pièces. L’entreprise que l’on tentait était nouvelle à bien des égards. On avait maintes fois dans l’Inde fait porter des canons aux éléphans, mais c’étaient des pièces de petit calibre, et ce n’avait été que pour de courtes distances. Cette fois c’étaient des canons Armstrong de 12 et des mortiers de 8 pouces qu’il fallait transporter pendant des centaines de lieues à travers un pays de montagnes et de ravins. D’Antalo à Magdala, ces pièces ont fait le chemin à dos d’éléphant, avec leurs caissons, etc., presque sans interruption. Quand le pays devenait uni et la route praticable, pour reposer les éléphans de leur rude besogne, on les déchargeait et on réattelait les chevaux; mais ce n’était jamais que pour de courtes distances.

Les quatre pièces de 12, canons Armstrong chargeant par la culasse, furent réparties comme suit :


1 éléphant pour chaque canon 4 éléphans.
1 — pour chaque affût 4 —
1 — pour chaque avant-train et une roue 4 —
1 — pour une paire de caissons et une roue 4 —
1 — pour trois roues (des huit restant) 3 —
Total 19 éléphans.


Le dernier éléphant n’ayant que deux roues, on parfit la charge avec des cordages et des ustensiles.

Il n’y avait aucun moyen de peser les diverses portions du matériel sur place : les chiffres suivans furent donnés à l’arsenal de Poona (le lieutenant-colonel Hill Wallace, qui commandait la division d’artillerie dans laquelle servaient les éléphans, était pourtant d’avis que l’affût était plus lourd qu’il n’est indiqué) : canon, 924 livres; affût, 966 liv.; avant-train, 450 liv.; une roue, 314 liv.; caisson, 255 liv. Le berceau (cradle, sorte de réceptacle sur lequel on établissait les charges) pesait environ 150 liv., et le bât, avec tous les détails du harnachement, était supposé peser environ 500 liv. Avec ces données, il est facile de calculer que le poids des différentes charges variait de 1,300 à 1,600 livres.