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mais sur un ton plus doux et comme pour nous encourager. Mon cheval tremblait toujours. Enfin il franchit le chemin; aussitôt l’éléphant reparut, reprit sa poutre et continua son travail pénible. « 

Les éléphans sont employés en très grand nombre dans les divers services de l’armée anglaise de l’Inde, et ils y rendent d’importans services. Les ouvrages que nous avons consultés sur l’éléphant ne nous fournissant rien à cet égard, nous avons cherché à nous renseigner ailleurs. Un fait curieux m’avait déjà été communiqué par un officier de l’armée française, M. le commandant Mowat, qui le tenait d’un officier de l’artillerie anglaise. « Dans les marches militaires à travers les contrées incultes et peu frayées du Bengale, il est d’usage d’employer des éléphans à la suite des convois. Ces animaux sont si bien dressés que, s’il survient un accident à une voiture, à une pièce d’artillerie, et que les chevaux d’attelage ne puissent les tirer d’un mauvais pas, dès qu’un éléphant s’aperçoit de l’accident, il accourt près de la voiture embarrassée sans même attendre l’avertissement de son mahout, et la dégage en la soulevant avec sa trompe. Il ne la quitte que lorsqu’elle est remise dans le bon chemin, et que les attelages peuvent suffire à la besogne. Il reprend alors sa place dans la colonne, prêt à recommencer au premier besoin. » Désireux d’avoir des renseignemens plus circonstanciés, je m’adressai à mon savant ami M. Whitley Stokes, secrétaire du gouvernement de l’Inde, et par son obligeante entremise je reçus de M. le colonel Willis, commissaire-général de l’armée du Bengale, les détails les plus précis sur l’emploi des éléphans dans l’administration anglaise de l’Inde.

Le gouvernement anglais se procure ses éléphans dans l’île de Ceylan, dans le nord de l’Assam, dans les jungles de Cachar et de Chittagong (à l’est du Bengale), dans le Teraï (basses-terres du Népaul), dans les forêts qui s’étendent au pied de l’Himalaya, et, sur une moins grande échelle, dans celles de l’Inde centrale. Ritter, dans sa Géographie de l’Asie, nous apprend que les éléphans des diverses parties de l’Inde se distinguent par quelques caractères différens : ceux du Népaul sont plus petits, ceux de Chittagong plus forts, ceux de Ceylan plus intelligens. Aussi de tous ces lieux de chasse, les principaux sont-ils les jungles de Chittagong et de Cachar : on y fait régulièrement des battues de deux ans l’un; le mode de chasse est le même qu’on pratique à Ceylan et que l’on connaît par les récits de Tennent. Le nombre ordinaire des captures varie de 50 à 100 par année. Un dépôt central de remonte connu sous le nom de Khedda est établi à Dacca dans le Bengale, et c’est de là que les éléphans, une fois dressés, sont envoyés aux divers services de l’armée. Les éléphans reviennent au gouvernement à environ