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un certain nombre de soldats de haches bien affilées et de sabres en forme de faux pour couper jarrets et trompes aux éléphans de l’ennemi. Après cette victoire, Alexandre se trouva possesseur des éléphans de Porus, et ce nombre s’accrut de tous ceux que lui offrirent en présent les autres princes de l’Inde. Après la mort d’Alexandre, ses éléphans furent, comme ses états, partagés entre ses généraux, et, des batailles qu’ils se livrèrent, il n’en est pas où ces animaux n’aient joué un rôle important. Comme ils adoptaient les mœurs et la pompe de l’Asie, les généraux grecs en imitaient également les institutions militaires. L’un d’eux, le fondateur de la dynastie des Séleucides, Séleucus Nicator, avait encore augmenté ses forces militaires en épousant la fille d’un roi de l’Inde qui lui apportait en dot 500 éléphans de guerre. Son goût pour les éléphans lui avait fait donner par ses contemporains le sobriquet de Grand Éléphantarque. C’est grâce à leur concours qu’il gagna sur Antigone la bataille d’Ipsus. Raconter la part prise par les éléphans aux guerres de cette époque serait raconter ces guerres elles-mêmes. Les Ptolémées, ne pouvant remonter leur corps d’éléphans dans l’Inde même, avaient organisé la traite des éléphans dans la région du Nil-Bleu.

La guerre contre Pyrrhus servit à bien des égards d’école aux Romains. Pyrrhus était un des meilleurs généraux de l’antiquité : il avait composé des traités de tactique dont les écrivains anciens parlent avec éloge. Le « jeu de la guerre » (Kriegspiel), si fort en honneur dans l’armée prussienne, n’est même, comme notre jeu de l’oie, qu’un jeu « renouvelé des Grecs. » C’est Pyrrhus qui eut le premier l’idée de représenter les évolutions militaires au moyen de petites pièces de bois ou de plomb. Sa tactique savante prépara les Romains à celle des généraux carthaginois; en même temps leurs soldats s’accoutumaient à voir les éléphans, et ceux de l’armée carthaginoise ne leur inspirèrent plus qu’une médiocre crainte.

L’exemple des Ptolémées et l’ambition de mettre leur armée à la hauteur de l’armée égyptienne avaient poussé les Carthaginois à employer des éléphans de guerre. Les éléphans ont été indigènes dans l’Afrique septentrionale jusqu’au IVe ou Ve siècle de notre ère. La race y a disparu à la suite des chasses séculaires faites d’abord par les Carthaginois et par les rois africains pour le service de leurs armées, plus tard par les Romains pour les jeux et pour les combats de l’amphithéâtre. Séparés par le Sahara du gros de leur race, si nombreuse aujourd’hui dans le Soudan, les éléphans de l’Afrique septentrionale furent exterminés jusqu’au dernier.

A l’origine, les Carthaginois employaient des chars de guerre comme la plupart des peuples de l’Orient; ils renoncèrent à cette arme pour adopter les éléphans, appréciant davantage les services