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en a connu beaucoup ; combien ne pourrait-on pas lui en signaler encore! Il sait lui-même, sans nul doute, que le recueil des Œuvres inédites de Fr. Guichardin lui eût offert un très vivant tableau de ce qu’était l’université de Padoue dans un temps peu éloigné de celui de son héros; il n’ignore pas qu’à son chapitre déjà fort utile sur l’organisation de l’arsenal de Venise auraient pu s’ajouter des traits authentiques et quelques graves variantes suivant un document un peu postérieur, il est vrai, mais digne tout au moins d’une comparaison : je veux parler du chapitre de la Manière dont l’arsenal de Venise est gouverné dans le Voyage en Italie du marquis de Seignelay, au tome III des Lettres, instructions et mémoires de Colbert, publiés par M. P. Clément. Je me garderai bien de chercher à signaler dans la Vie d’un patricien de Venise au seizième siècle des omissions ou des lacunes; je n’ai que voulu marquer de quelle méthode, qui est seule la bonne, ce livre devait nécessairement relever. M. Yriarte en somme a exécuté, lui aussi, sa fresque vénitienne, avec un entrain, une ardeur, une dextérité qui l’ont fait triompher de sérieux obstacles. L’ample peinture de la vaste et pleine carrière parcourue noblement par son Barbaro sous le soleil de Venise donnera vite au lecteur un sentiment juste de cette plénitude de vie, de ce patriotisme inquiet, jaloux, et d’autant plus dévoué, de ce régime politique, hiérarchie d’inégalités aristocratiques et de privilèges, qui font de la Venise du XVIe siècle un monde à part, où se résument, non sans un particulier aspect d’originalité puissante, tous les charmes et toutes les énergies de l’admirable renaissance italienne.


A. GEFFROY.



La Religion romaine, d’Auguste aux Antonins, par M. Gaston Boissier, 2 vol. in-8o, Paris 1874.


On ferait mal connaître l’intérêt et la portée de cet ouvrage, si on ne disait tout d’abord qu’il donne plus encore que ne promet le titre. M. Gaston Boissier ne s’est pas borné à étudier la religion romaine dans ses cérémonies et dans ses rites, il a présenté dans un cadre plus large l’état religieux et moral de la société romaine depuis Auguste jusqu’aux Antonins. C’est le moment où la religion et la philosophie antiques sont en présence du christianisme naissant, où l’on peut voir quelles dispositions favorables et quels obstacles la doctrine nouvelle a rencontrés, et comment s’explique l’étonnante révolution morale qui a transformé le monde. S’il n’est pas dans l’histoire de plus grand sujet, il n’en est pas