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ESSAIS ET NOTICES.

La Vie d’un patricien de Venise au seizième siècle, par M. Ch. Yriarte, 1 vol. in-8o, 1874.


Une des excursions les plus recommandées par les guides intelligens à l’explorateur du Tyrol italien est d’aller de Vicence par la riche plaine de la Brenta visiter Bassano, Possagno et Asolo. C’est une de ces contrées où, comme si souvent en Italie, se rencontrent à la fois le prestige des beautés naturelles, les témoignages des temps passés et d’intéressans souvenirs locaux de l’art italien. Giacomo da Ponte, le peintre mieux connu sous le nom de Bassano, est né dans la première de ces petites villes; la seconde a été le berceau de Canova. Des voitures publiques établissent entre Bassano et le chemin de fer voisin des communications quotidiennes et régulières; jusqu’à Possagno, il y a trois heures de marche, deux heures en voiture; de Possagno, c’est une courte excursion d’aller visiter Asolo, petite ville du moyen âge très pittoresque, au pied d’une colline couronnée de ruines, et du haut de laquelle la vue s’étend au loin, soit sur les grandes plaines de la Brenta et de la Piave, entourées par les Alpes, soit sur le groupe isolé des monts Euganéens. Par une belle soirée d’été, l’œil peut suivre de là les filets argentés de la Piave et de la Brenta, depuis le moment où ils émergent de leurs vallées alpestres jusqu’à celui où ils aboutissent à la mer après avoir sillonné la verdoyante plaine d’alluvion où reposent les trois cités de Trévise, Vicence et Padoue. Vers l’est, presque à l’horizon, Venise apparaît avec ses clochers et ses coupoles; la ligne bleue de l’Adriatique la domine et ferme la vue, tandis que vers le nord se dressent avec majesté les pics neigeux des Alpes rhétiques. Si maintenant vous vous dirigez un peu à l’est d’Asolo, par la route qui conduit à Cornuda, vous arrivez à une villa isolée connue sous le nom de Mese ou Masère, ou mieux encore sous celui de villa Manin, parce qu’elle devint la résidence du dernier doge de Venise. Construite par le Palladio, elle a été décorée de fresques par Paul Véronèse, et ornée de sculptures par Alessandro Vittoria, le Michel-Ange vénitien.

C’est en parcourant ce beau pays qu’un écrivain d’ardeur et d’esprit, M. Charles Yriarte, conçut naguère le dessein de reprendre possession, en faisant revivre la biographie et l’histoire, de tout le passé que pourrait raconter cette brillante demeure. Quel patricien assez