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le droit d’interpréter la loi du 20 novembre sur la prorogation. D’un autre côté, il n’ignorait pas qu’il flattait la gauche en incriminant les rigueurs de l’état de siège contre la presse. C’était bien combiné, sinon pour obtenir un vote légitimiste, du moins pour préparer un vote de représaille de toutes les oppositions contre le cabinet. La tactique était évidente, et elle n’a point absolument échoué; elle a réussi en ce sens qu’elle a provoqué un de ces imbroglios parlementaires où triomphent les coalitions. Un ordre du jour motivé présenté par un membre du centre droit, M. Paris, accepté par le gouvernement, a été repoussé au scrutin par une majorité où l’extrême droite s’est rencontrée avec la gauche, et le ministère, mal guéri de sa blessure par l’ordre du jour pur et simple qui a été voté ensuite sur la proposition de M. le général Changarnier, le ministère est allé offrir sa démission, que M. le président de la république a refusée, il est vrai. M. de Fourtou, qui ne manque pas d’une certaine résolution, a eu sa défaite, c’est tout ce qu’on voulait sans doute; c’est une satisfaction qu’on s’est donnée.

En définitive cependant, la situation reste la même, et dans cette campagne des partis, c’est la cause légitimiste qui est la véritable vaincue, qui s’affaisse dans son impuissance. L’ordre du jour que M. Lucien Brun avait proposé et qui faisait bon marché de la loi du 20 novembre, cet ordre du jour s’est trouvé réduit au modeste contingent de 80 voix. La proposition de M. le duc de Bisaccia, que devient-elle? Elle n’a pas la fortune d’une prise en considération, et peu s’en est fallu que la commission d’initiative, à laquelle elle a été confiée, ne la repoussât simplement comme inconstitutionnelle. Au milieu de ses divisions et de ses incohérences, si l’assemblée ne sait pas toujours ce qu’elle veut, elle sait du moins ce qu’elle ne veut pas. Elle sait que depuis le mois de novembre dernier, et bien plus encore après la proclamation du 2 juillet, il n’y a plus dans son sein une majorité possible pour la monarchie traditionnelle; mais tous ces incidens, ces contestations de l’esprit de parti, ces incertitudes toujours suspendues sur l’organisation politique de la France, ces revendications légitimistes ont eu un résultat bien autrement sérieux, celui de provoquer l’intervention aussi résolue que décisive de M. le président de la république lui-même. La vraie réponse au manifeste de M. le comte de Chambord, comme aux coalitions stériles, aux lenteurs et aux hésitations de l’assemblée, c’est le dernier message de M. le maréchal de Mac-Mahon, message inspiré justement par la séance où M. Lucien Brun a interpellé le gouvernement et où le ministère a failli disparaître. Nous ne savons trop si dans d’autres conditions ce message serait parfaitement régulier et parlementaire; aujourd’hui rien n’est régulier, la vie parlementaire est organisée de telle façon qu’il n’y a plus de majorité pour un ministère, et les paroles de M. le président de la république sont un appel pressant, plein