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le taux de l’intérêt, sauf à le relever aussitôt qu’elles se manifestent; lorsqu’il n’y a pas de conversion possible, qu’on est en présence du cours forcé, par quoi est-on averti qu’il y a trop de papier émis? Aujourd’hui, par comparaison avec la situation de l’année dernière, on paraît fondé à croire qu’on a de la marge et qu’on peut impunément abaisser le taux de l’intérêt; il faut réfléchir aux conséquences: l’abaissement du taux de l’intérêt, c’est généralement une certaine excitation donnée aux affaires et par suite à la spéculation. Supposez que celle-ci sorte des bornes, comme cela arrive presque toujours, il sera bien plus difficile de remédier au mal avec une circulation fiduciaire de 2 milliards 1/2 s’appuyant sur une encaisse même de 1 milliard que si cette circulation est de 800 millions avec une réserve métallique de 200. Dans le premier cas, on est à découvert de 1,500 millions, et dans le second de 600.

Dira-t-on que la réserve métallique est de plus du tiers, et qu’elle satisfait ainsi à toutes les exigences probables? C’est une grosse erreur. De même qu’il n’y a pas de chiffre sacramentel pour l’émission, il n’y en a pas non plus pour l’encaisse. Il a plu de considérer la proportion du tiers comme généralement suffisante; mais c’est là un chiffre illusoire qui ne signifie rien en temps de crise. Il est arrivé souvent que dans ces momens-là on a été débordé avec une encaisse supérieure au tiers. En 1848, au mois de janvier, la réserve métallique était de 107 millions à la Banque de France en dehors des succursales, et la circulation de 233 millions; trois mois après, sous l’influence des événemens, il fallut décréter le cours forcé. Il n’est pas même nécessaire qu’il y ait une révolution politique pour cela, une simple crise commerciale et financière suffit. Pendant l’année 1857, l’encaisse à la Banque fut toujours en moyenne de 240 millions contre 600 millions de billets, et au plus fort de la crise, lorsque les régens de cet établissement, par une imprévoyance inconcevable, allèrent demander à l’empereur le cours forcé, cette encaisse était encore de 189 millions contre 580 millions de billets; par conséquent la proportion du tiers était à peu près gardée. Cependant le monde financier était aux abois, il fallut recourir aux mesures les plus rigoureuses et porter l’escompte à un taux excessif pour conjurer le péril. Le rapport du tiers n’a donc rien de décisif et ne peut pas être tenu à tout moment pour une garantie suffisante.

D’ailleurs les banques d’émission n’ont pas que leurs billets à rembourser, elles reçoivent aussi des dépôts qui sont généralement exigibles à vue, il n’y a toujours que l’encaisse pour en répondre, et il se peut que celle-ci, du tiers vis-à-vis des billets, ne soit plus que du quart ou du cinquième, si on y joint les dépôts; mais, serait-elle du tiers vis-à-vis des deux réunis, elle pourrait encore