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de réaliser leurs souscriptions, et nous eûmes à leur rendre, avec le premier versement, les bénéfices qu’ils faisaient. Toutes ces raisons nous mirent dans un assez grand embarras; nous éprouvâmes la gêne d’une personne qui est riche assurément, mais sur laquelle tombent à la fois toutes sortes d’exigences qu’elle n’avait pas prévues et auxquelles elle n’avait pas pu se préparer. Dans la situation qui nous fut faite au mois de novembre 1871, qui porta le change sur l’Angleterre à 26 francs, la dépréciation du papier-monnaie à 2 1/2 pour 100, il y eut sans doute l’influence des nécessités que nous subissions et des malheurs qui nous avaient accablés, mais aussi celle des fautes qui furent commises et qu’on aurait pu éviter. Avec moins de précipitation et plus d’ordre dans l’achat des traites sur l’étranger, avec moins d’agiotage à la suite du premier emprunt, on aurait empêché le change de s’élever aussi haut. Quoi qu’il en soit, cette situation effraya un peu les esprits, et quand on vint à la fin de l’année proposer d’élever encore la circulation fiduciaire, de la porter de 2 milliards 400 millions à 2 milliards 800 millions, on put se demander quelles seraient les conséquences de la mesure, et si le papier-monnaie ne se déprécierait pas davantage; n’allait-on pas créer un abîme dans lequel s’effondrerait la richesse publique comme au temps du système de Law? L’autorisation fut accordée, et elle n’eut pas le résultat fâcheux qu’on avait craint; mais il faut dire, à la louange du gouvernement et de la Banque de France, qu’on en fit un usage très réservé. La circulation ne dépassa qu’un moment, au mois de février 1872, d’une cinquantaine de millions la limite primitive de 2 milliards 400 millions; elle redescendit bien vite au-dessous et ne la franchit de nouveau définitivement qu’au mois de septembre, après la négociation du deuxième emprunt de 3 milliards. Dans l’intervalle, le bon effet de notre activité commerciale s’était déjà produit, nos exportations avaient dépassé nos importations dans des proportions considérables, et nous étions redevenus les créanciers de l’Europe. De plus on avait négocié une partie des valeurs étrangères que nous possédions et que nous avions amassées dans des temps prospères. Les hommes les plus compétens estiment à environ 1,500 millions l’importance de cette négociation. Il faut noter aussi la part prise par les capitaux étrangers à notre emprunt de 3 milliards; cette fois, tant par suite de la confiance plus grande qu’inspirait notre crédit que par la prudence qu’on mit à ne pas trop faire monter les cours, ces capitaux restèrent engagés plus longtemps dans nos fonds, et nous procurèrent des ressources sur le dehors. Enfin un arrangement fut conclu avec un groupe de banquiers pour qu’ils nous fournissent des traites à un taux déterminé. Par tous ces motifs, la situation fut complètement modifiée, et malgré les paiemens que nous eûmes à