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1,200 hommes, trois généraux, en infligeant à l’ennemi une perte de plus de 1,600 hommes. C’était tout, c’était « le dernier éclair de courage » de ces troupes qui rentraient dans leurs camps pour n’en plus sortir en armes. « Elles sont maintenant ensevelies vivantes et bien vivantes, a dit le général Deligny ; leur agonie date de cette époque ! »


IV

C’est l’agonie en effet, c’est le moment critique ou « psychologique » dans ce funeste drame de Metz. On est au soir du 7 octobre. Le maréchal Bazaine vient de livrer sa dernière bataille pour l’honneur ou pour sauver sa responsabilité, plus encore que dans l’espoir du succès. Il ne sait rien de Bourbaki et de sa mission, ou plutôt il apprend que Bourbaki, après s’être présenté inutilement pour rentrer à Metz, ne reviendra pas. De Régnier et de sa diplomatie, il n’a plus entendu parler ; il n’a plus eu de nouvelles de cet aventurier, qu’il appelle « l’international, » et qui devait lui répondre avant le 30 septembre. D’un autre côté, il est informé que les vivres s’épuisent rapidement, qu’avec toute l’industrie possible, avec des réductions nouvelles de rations et en prenant sur les ressources de la ville pour nourrir l’armée, on ne peut guère dépasser le 20, le 22 octobre. Il n’y a plus à hésiter. Alors, dès le 7 au soir, le maréchal Bazaine se décide à consulter ses généraux ; il leur demande leur opinion « par écrit » sur l’état des troupes, sur « ce qu’on peut encore attendre d’elles. » C’est lui-même qui le dit : « le moment approche où l’armée du Rhin se trouvera dans la situation la plus difficile peut-être qu’ait jamais dû subir une armée française,… les vivres commencent à manquer,… nos ressources sont épuisées… » Il faut prendre un « parti décisif. » Deux jours après, le 10, la question terrible, inexorable, est posée dans un conseil de guerre, dans une conférence où sont appelés à délibérer les chefs de corps, le commandant de l’artillerie, le gouverneur de Metz, l’intendant-général de l’armée. C’est de ce conseil que sort la résolution de négocier dans les quarante-huit heures, de demander une « convention militaire honorable et acceptable pour tous, » avec cette restriction que, si l’ennemi veut imposer des conditions « incompatibles avec l’honneur de l’armée, » on se réserve de tenter à tout prix de s’ouvrir un chemin par la force.

Qu’on le remarque bien, le 10 octobre comme le 26 août, le maréchal Bazaine disait la vérité et il ne disait pas la vérité tout entière. En appelant ses lieutenans à décider ce qu’il y avait à faire, il leur dérobait une partie de ce qu’il avait essayé lui-même. Il ne