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sur ce terrain difficile, les passages de rivières, la nécessité de s’ouvrir avec la hache un chemin à travers les forêts qu’ils rencontraient çà et là, tenaient constamment en haleine les hommes et les attelages. Parfois il leur fallait suivre l’allure de la cavalerie, car les expéditions légères entreprises par celle-ci étaient souvent accompagnées de deux ou quatre canons. Ces pièces n’intervenaient, il est vrai, que rarement, lorsque la lutte était assez égale pour leur donner le temps d’arriver sur le champ de bataille, et qu’il était nécessaire de lancer quelques obus au milieu des cavaliers indiens pour compenser l’infériorité numérique des blancs; mais, en attendant cette occasion, les artilleurs prenaient le fusil ou le mousqueton, et, combattant à pied ou à cheval, partageaient tous les dangers de leurs compagnons. Enfin les officiers d’artillerie se trouvèrent très souvent investis, soit par le choix, soit par le hasard de l’ancienneté, du commandement d’expéditions importantes, et ils prouvèrent qu’ils n’avaient perdu aucune des traditions de la guerre du Mexique, où nous leur avons vu jouer un rôle brillant.

Nous avons indiqué déjà les grands travaux scientifiques des officiers du génie et des ingénieurs topographes. Dans les expéditions guerrières, ils avaient un poste d’honneur, car ils remplissaient les fonctions d’officiers d’état-major et étaient chargés d’éclairer l’armée et de diriger sa marche.

Les services administratifs avaient une tâche importante dans les campagnes où il fallait préparer d’avance tout ce dont l’armée pouvait avoir besoin. On l’aura compris en voyant les soldats de Johnston suivis d’un convoi de quatre mille voitures. Aussi n’est-il pas étonnant que, lorsqu’il fallut approvisionner un million de volontaires, il se trouva dans les corps des quarter-masters et des commissaires aux vivres l’expérience nécessaire pour diriger toutes les parties d’une aussi vaste administration.

C’est au milieu de cette vie active et pleine d’enseignemens que la nouvelle du déchirement de l’Union vint surprendre l’armée américaine. La perfide prévoyance du dernier ministre de la guerre, M. Floyd, l’avait éloignée tout entière des états que ses complices du sud se préparaient à soulever contre l’autorité fédérale; on avait fait aux soldats l’honneur de les croire fidèles à leur drapeau. Sous mille prétextes, les forts et les arsenaux fédéraux avaient été dégarnis par ceux-là mêmes dont le premier devoir était de veiller sur les intérêts généraux de la nation, et les garnisons qu’on en avait retirées pour les disperser dans le Texas avaient été placées sous les ordres d’un officier qui sembla n’avoir été choisi que pour les trahir.

Mais, éloignés ainsi de la civilisation, les officiers réguliers étaient