Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/327

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

membre de ma famille ne recherche ou n’accepte, si on les lui offre, aucun titre, distinction ou récompense à raison des services que je puis avoir rendus dans le parlement ou dans le gouvernement. Si mes fils acquièrent par leurs propres efforts des titres à des distinctions honorifiques, ils recevront probablement, s’ils le désirent, les récompenses dues à leurs mérites propres et personnels ; mais c’est mon vœu formel qu’aucun titre, aucune marque d’honneur, ne soient recherchés ou acceptés pour cause de grandes charges occupées ou d’actes accomplis par moi. »


Nous avons essayé, en rappelant et en coordonnant ces souvenirs, de faire revivre quelque peu un des hommes les plus remarquables de notre temps, tel qu’il nous est apparu dans des circonstances assez critiques et assez diverses. Nous ne chercherons point à énumérer ici les qualités et les vertus politiques qui l’ont principalement distingué; elles sont surabondamment connues, et des juges plus autorisés que nous se sont appliqués à les caractériser et à les mettre en relief. Comme financier, comme administrateur essentiellement pratique, comme économiste politique, comme zélé défenseur des institutions fondamentales de son pays, comme leur réformateur judicieux et intrépide, comme orateur accompli, comme serviteur infatigable et désintéressé de la patrie, sir Robert Peel ne rencontre pas beaucoup d’émulés, même dans la glorieuse série des hommes d’état de la Grande-Bretagne; mais ni ces titres, quelque incontestables qu’ils soient, ni les nobles exemples qu’il a légués dans la vie publique et dans la vie privée, ne suffiraient seuls pour expliquer le respect particulier voué par l’Angleterre à sa mémoire. Elle ne l’aurait point élevé ainsi au-dessus de tant d’illustres compétiteurs, si elle n’avait point reconnu chez lui ce qu’un de nos grands orateurs a si justement appelé la partie divine de l’art de gouverner. Comment ce rare attribut s’est-il particulièrement manifesté chez sir Robert Peel? Et si, avant de le rechercher, nous nous demandions quelles sont les qualités primordiales que les nations sont en droit de réclamer chez les hommes qui président à leurs destinées, nous arriverions promptement à reconnaître que cette exigence subit naturellement la loi des circonstances dans lesquelles ces nations se trouvent accidentellement placées. — La guerre civile, la guerre religieuse, la guerre étrangère, ont durant longtemps déchiré et dévasté la patrie. Qui pansera tant de plaies? qui nous rendra la concorde, l’unité, l’existence nationale? qui rétablira les finances détruites, l’armée anéantie? Sully paraît; sous l’égide de celui que M. Guizot appelle si justement le plus grand roi que l’Europe ait connu, l’habile financier, l’administrateur infatigable,