Page:Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 4.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombre par une lutte inégale, ils avaient cherché une retraite inaccessible dans les everglades, vastes marais boisés, où le cyprès, le magnolia et le palmier nain entretiennent une éternelle verdure, et à l’approche des blancs ils disparaissaient avec leurs légères pirogues dans un labyrinthe de canaux dont ils connaissaient seuls le secret. Les Américains, profitant de leurs divisions et de l’épuisement de toutes leurs ressources, allèrent enfin les chercher dans ce dernier asile. Ce fut pour le soldat une pénible campagne. L’eau et la forêt lui opposaient un double obstacle. Le terrain manquait sous ses pieds, et il lui fallait tantôt cheminer lentement à travers le marais, tantôt, montant dans de frêles canots, s’ouvrir un passage entre les arbres, dont chacun pouvait cacher un ennemi. Il n’avait pour se guider que la trace laissée sur le fond vaseux par l’Indien fuyant vers son secret refuge. Ce refuge était généralement un tertre élevé, appelé hommock, couvert d’une épaisse végétation, et au milieu duquel les familles indigènes s’abritaient dans un grossier village. Des lagunes ouvertes entouraient d’ordinaire cet îlot, et au moment où les blancs sortaient de la forêt, ils étaient exposés au feu bien nourri d’un ennemi caché, qui était décidé à se faire tuer plutôt que de livrer les siens. A la fin cependant, traqués d’ilot en îlot, abandonnés ou trahis par leurs alliés, privés d’armes et de munitions, les plus déterminés d’entre les Séminoles, après une résistance vraiment héroïque, furent obligés de se soumettre, ou faits prisonniers par des stratagèmes peu honorables pour leurs vainqueurs. Décimés par les maladies, la faim et surtout par l’abus fatal de l’eau de feu, les tristes restes de cette fière tribu s’embarquèrent pour la Nouvelle-Orléans et de là gagnèrent les prairies de l’Arkansas, où cette civilisation qu’ils ne connaissaient que comme un implacable ennemi allait bientôt encore les atteindre.

Cette lutte avait duré treize ans, de 1830 à 1843, et, quoique l’armée américaine se fût presque toujours efforcée d’adoucir dans l’exécution la cruelle politique dont elle était l’instrument, le souvenir de la vaillante résistance de ces pauvres sauvages, des pertes qu’ils lui infligèrent et surtout de leur fin misérable, resta comme une sombre page parmi les traditions militaires.

Trois ans après, lorsque la fumée du log-hut, cette rustique citadelle du colon, s’élevant, à la place des feux de bivouac, au-dessus des forêts de la Floride, annonçait à peine le retour de la paix, une nouvelle carrière vint s’ouvrir pour l’armée fédérale sur les rives lointaines du Pacifique.

L’annexion du Texas, après une indépendance éphémère, celle du Nouveau-Mexique et de la Haute-Californie, hâtée par la campagne de Scott, qui rendit inutile cette ingénieuse transition, étaient