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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin 1874.

La situation de notre malheureux pays finira-t-elle par s’éclaircir et se préciser ? Viendra-t-on à bout de débrouiller cet écheveau de subtilités, d’intrigues, de contradictions, où se perd notre triste politique ? Arrivera-t-on, selon le mot de Frédéric II au sujet de la Prusse et de ses destinées prochaines, à « décider cet être, » en d’autres termes à décider ce que sera la France ? La question était déjà pressante hier, elle se resserre et s’aggrave de plus en plus, à mesure que les incidens se succèdent hors de l’assemblée ou dans l’assemblée. Des émotions du commencement de ce mois, de ces agitations d’un instant plus factices que sérieuses, il ne reste rien, si ce n’est le souvenir d’un vain bruit, une enquête qui se poursuit sur les menées bonapartistes, et la nécessité d’en finir avec tous les faux-fuyans, toutes les incertitudes, par l’organisation d’un gouvernement appuyé sur des institutions régulières.

Où donc est cette nécessité d’en finir ? disent cependant encore ceux qui ne se lassent pas du provisoire. Est-ce que tout est perdu ? est-ce que nous allons assister aux funérailles de notre patrie parce qu’on n’organisera pas un régime de toutes pièces au plus vite, demain, après-demain au plus tard ? Depuis trois ans, la France existe comme elle est, et c’est dans ces conditions qu’elle a commencé de se relever, qu’elle a offert au monde le spectacle d’une vitalité qui a étonné ses ennemis et peut-être ses amis eux-mêmes ; c’est dans ces conditions qu’elle a reconstitué ses finances, qu’elle a refait une armée, — cette armée qui paraissait hier encore à la revue du bois de Boulogne ! Il faut un gouvernement, n’avons-nous pas un gouvernement ? La loi n’est-elle point partout obéie ? la tranquillité n’est-elle pas complète ? Le mal dont on se plaint est surtout un mal d’imagination, l’impatience de tous ceux qui ne savent jamais supporter la situation où ils vivent. — Soit, le mal est peut-être en partie dans l’imagination ; il est certainement aussi depuis