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dans la direction du Missigit. Ils appartenaient à toute sorte de modèles ; quelques-uns perçaient tout bonnement la muraille, et, pour les charger, il fallait sortir sur le front du rempart. Trente-deux autres pièces gisaient encore çà et là, et parmi elles un des deux canons envoyés jadis par le roi Jacques Ier en place des « deux blanches » demandées par le sultan Iskander. On distingue encore les armes d’Angleterre et l’inscription Jacobus rex, 1617. Évidemment on s’était exagéré la force des batteries du Kraton, mais non pas les obstacles que les Atchinois avaient accumulés en avant du fossé qui l’entoure, et qui eussent rendu très difficile l’œuvre de l’artillerie, si elle avait dû, comme les Atchinois s’y attendaient, frayer la route à une colonne d’assaut. L’habitation du sultan n’était pas moins bouleversée que tout le reste. À peine plus grande qu’une maison indienne ordinaire, elle n’était plus qu’un fouillis dans lequel on ne trouva guère, en fait de choses valant la peine d’être mentionnées, qu’un vélocipède à trois roues et une caisse de lettres, dont une du roi Louis-Philippe datée de 1843, 2 janvier, du reste sans intérêt. Toujours prudent, le général van Swieten ordonna à ses troupes de se fortifier en hâte dans l’excellente position qui leur était livrée. La campagne était virtuellement finie, en ce sens qu’il pouvait attendre en toute sécurité la marche ultérieure des événemens.

Sur ces entrefaites, on apprit que le jeune sultan était mort du choléra, et que cette maladie ravageait aussi la population atchinoise. Quelques signes de découragement, certaines velléités de soumission, se faisaient remarquer chez plusieurs chefs et dans les états vassaux échelonnés le long des côtes. Cependant il était visible que ce revirement dans les dispositions des indigènes serait très lent. Le parti de la guerre les avait si bien fanatisés, surtout en leur disant que les Néerlandais venaient pour détruire leur religion et les écraser d’impôts, qu’il fallait s’attendre de leur part à de longues hésitations. Ils croyaient toujours au prompt départ des Néerlandais. Il semble de plus qu’une vague espérance de l’intervention prochaine de quelque puissance européenne continuait de miroiter devant leurs yeux. Tout porte à croire que cette illusion était entretenue du dehors par ceux qui voyaient d’un mauvais œil cette consolidation de l’autorité néerlandaise à Sumatra. Ceux qui ont suivi avec quelque attention les dépêches que le télégraphe transmettait à l’Europe pendant le cours de cette guerre auront certainement remarqué une série de télégrammes, datés principalement de Penang et dont la rédaction dénotait une malveillance systématique contre l’expédition hollandaise. Il est assez curieux d’avoir à constater que l’un des foyers de cette hostilité permanente se trouve chez les Chinois, dont le nombre croissant et l’importance commerciale dans