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à sa captivité, qu’il mettait à profit pour apprendre le malais et faire des observations astronomiques. Van Caerden furieux crut qu’il avait le droit de se venger en confisquant plusieurs navires arabes qui chargeaient du poivre, ce qui donna lieu à un énorme procès et coûta 50,000 réaux à la compagnie amsterdamoise propriétaire des deux vaisseaux. C’est en vain que, deux ans de suite, d’autres capitaines hollandais revinrent à la charge pour réclamer les captifs. Lors de la seconde expédition, le capitaine et l’équipage, encore une fois séduits par les gracieusetés de la cour atchinoise, furent attirés à terre, faits prisonniers, et ne recouvrèrent leur liberté qu’en se laissant dépouiller de tout ce qu’ils possédaient. Enfin en 1602 une véritable escadre zélandaise, forte cette fois de quatre vaisseaux, vint sommer le sultan de rendre à la liberté Frédéric et les siens, sinon la poudre allait parler. A la grande surprise des réclamans, le sultan relâcha les captifs sans demander une obole; mais il y en avait une excellente raison. Une flotte espagnole de trente voiles, commandée par André de Mendoce, croisait dans les mers de la Malaisie et effrayait beaucoup le souverain d’Atchin. De même que l’arrivée des Néerlandais avait adouci ses prédécesseurs vis-à-vis des Portugais, la peur des Espagnols le rendit plus traitable envers les Néerlandais. Ceux-ci obtinrent même d’établir une factorerie sur le territoire d’Atchin. Seulement à peine leurs vaisseaux eurent-ils disparu que le sultan fixa le prix du poivre à un taux si élevé qu’il en devint inabordable; puis éclata un incendie qui dévora plusieurs maisons et la factorerie.

Les Atchinois n’étaient pas au bout des importunités européennes. Ce fut au tour des Anglais de faire leur apparition. Le roi Jacques Ier avait daigné remettre à son amiral James de Lancaster une lettre des plus flatteuses pour le souverain d’Atchin, qui fut très sensible à cette marque de distinction et reçut les Anglais à bras ouverts. Il les fit venir dans sa résidence, les régala de son mieux et leur demanda, comme une faveur, de vouloir bien chanter devant lui un psaume de David. Depuis longtemps il avait envie d’entendre ce genre de mélodie, et jamais il n’avait pu contenter sa curiosité. Sur quoi l’amiral et ses officiers se découvrirent gravement et entonnèrent en chœur un des pieux airs de Goudimel. Après cela, le sultan leur remit un message pour son frère Jacques, dans lequel il lui demandait de vouloir bien lui envoyer « deux blanches, » pour satisfaire un autre genre de curiosité, et s’engageant, si l’une d’elles lui donnait un fils, à l’établir roi de la « côte du poivre, » c’est-à-dire de la côte occidentale de Sumatra, « afin, disait-il au roi d’Angleterre, que votre peuple ne soit plus forcé de venir chercher son poivre chez le mien. » Le roi Jacques ne crut