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ont valu à ce littoral le surnom de Côte de la peste. Toutefois, à l’ouest comme à l’est, ces plaines contiguës à la mer sont d’une fertilité prodigieuse. Les fruits les plus délicieux, celui de l’arbre à pain, l’ananas, la goyave, le limon, le citron, l’orange, la noix de coco, etc., y viennent en abondance. On y cultive l’igname, la pistache, le ricin, le sésame, la canne à sucre, le palmier amou, fournissant à lui seul une sorte de sucre noir, du sagou et une liqueur, le camphre, la cannelle, le café, le riz, base de l’alimentation indigène, et le poivre. C’est le poivre surtout qui fait la richesse de l’île. On le récolte deux fois par an, et c’est pour se procurer ce précieux condiment que depuis trois siècles les navires du monde entier vont mouiller dans les rades et les criques de Sumatra.

Bien que de sang mêlé, la population indigène, dans la plus grande partie de l’île, se rattache au type malais. La langue malaise est la base des divers dialectes, le caractère des habitans est malais, c’est-à-dire dissimulé, jaloux, vindicatif, aisément cruel, toutefois sensible à la supériorité européenne et sans préjugés invétérés contre une domination étrangère à la fois équitable et ferme. Il n’y a pas très longtemps que l’anthropophagie existait dans les tribus de l’intérieur, restées encore aujourd’hui plus barbares que celles des côtes; celles-ci, en contact plus fréquent et déjà ancien avec les Européens, ont perdu de leur première rudesse. La religion est un islamisme altéré par des superstitions païennes. C’est vers la fin du XVIe siècle que les Hollandais commencèrent à s’établir à Sumatra, en compétition d’abord avec les Portugais, puis avec les Anglais, mais étendant peu à peu leur domination. En 1811, l’île de Sumatra, comme les autres colonies hollandaises de l’archipel malais, passa sous la domination anglaise, et ne fut rendue à la Hollande qu’en 1816; les Anglais y conservèrent encore quelque temps des établissemens dont ils se dessaisirent en 1824. Les Hollandais se virent donc sans concurrens européens sur ce vaste territoire, et poursuivirent du sud au nord un système d’annexion ou de protectorat, tantôt recherché par les princes indigènes, tantôt imposé par les armes. Leur justification est dans l’état de choses paisible et prospère qu’ils substituèrent, partout où leur autorité prévalut, à l’anarchie chronique, aux exactions, aux guerres continuelles que les tyranneaux de l’intérieur et des côtes faisaient peser sur leurs malheureux sujets. Restait encore le royaume ou sultanat d’Atchin, comprenant la partie septentrionale de l’île. L’indépendance de cet état avait été en quelque sorte garantie par le traité de 1824 conclu avec l’Angleterre, la Néerlande se voyait condamnée à endurer de la part de ce royaume des insultes et des provocations incessantes. Elle ne pouvait opposer aux pirateries dont il était le foyer permanent qu’une police maritime aussi impuissante que celle