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à peu près semblables : grâce à elles, le monde s’unit dans l’obéissance, et l’on peut dire que, si cette sorte de niveau, qui s’établit partout sous la pression de l’autorité impériale, fit perdre à Rome beaucoup de ses privilèges et de sa puissance, il rendit la situation des provinces meilleure.

Presque toutes les mesures qui furent prises alors étaient utiles à leurs intérêts. En 731, Auguste se fit donner la puissance proconsulaire sur toutes les provinces de l’empire; ce fut un grand bonheur pour elles; dès lors tous les proconsuls et tous les légats furent sous la main de l’empereur. Non-seulement cette autorité jalouse les surveillait avec soin et les punissait avec rigueur quand ils s’étaient mal conduits, mais elle essaya de leur ôter jusqu’au pouvoir de mal faire. Tant que la république a duré, ils étaient tout-puissans. Que le gouverneur d’une province s’appelât préteur ou proconsul, qu’il eut neuf licteurs ou douze, son pouvoir était alors sans limites. Quand, après avoir fait ses prières au Capitole, il partait, couvert du manteau militaire, suivi de ses parens et de ses amis qui l’accompagnaient jusqu’aux portes de Rome, ce n’était pas le magistrat d’une république, c’était vraiment un roi qui s’en allait gouverner un royaume. Il devait concentrer dans sa main l’autorité civile et militaire, il commandait les légions, il rendait la justice, il administrait les finances; il faisait la loi et il l’appliquait. Comme la conquête était nouvelle et les haines des vaincus plus vives, Rome avait pensé qu’il fallait armer ses gouverneurs contre les révoltes imprévues et leur donner les moyens de les vaincre. Les circonstances n’étaient plus tout à fait les mêmes sous l’empire; la domination romaine était alors acceptée de tout le monde. Il n’était plus aussi nécessaire, pour la défendre, de réunir toute l’autorité sur un seul homme, et, autant que possible, on la divisa entre plusieurs. Dans les provinces du sénat, le proconsul ne posséda plus que l’autorité civile; dans les autres, l’administration des finances fut confiée à des intendans envoyés directement par l’empereur et qui lui rendaient compte de leurs actes. En même temps, pour ôter aux gouverneurs tout prétexte de se décider seuls, on imagina les postes, qui faisaient parvenir en quelques jours la volonté du prince jusqu’aux extrémités du monde; dès lors il ne fut plus permis à aucun fonctionnaire d’agir, dans les affaires importantes, sans consulter le maître. Ainsi fut divisé ce faisceau d’attributions diverses que la république avait concentrées sur un seul homme et qui en faisaient un personnage si redoutable. Dépouillée d’une partie de sa puissance, soumise à un contrôle redoutable, surveillée avec soin et punie avec éclat, l’autorité des proconsuls ne pouvait plus être aussi lourde qu’autrefois aux provinciaux.