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préparation, mais ils sont sûrs, s’ils persistent, d’y trouver des faits certains et nouveaux et de s’y instruire : c’est un avantage que la littérature ne nous offre pas tous les jours.

Ces réflexions m’ont été inspirées par la lecture d’un gros livre que peu de personnes s’aviseraient d’ouvrir, si elles le rencontraient sur leur chemin. C’est le troisième volume de la grande collection des inscriptions latines que publie l’académie de Berlin, et dont nous avons eu déjà l’occasion d’entretenir nos lecteurs[1]. Ce volume contient les inscriptions qu’on a pu recueillir dans les provinces orientales de l’empire. Il a pour nous cet intérêt particulier que, quoique publié hors de la France, il est en partie notre œuvre. Ce sont des savans français qui ont fourni la plupart des documens dont il est rempli, et leur nom y revient avec honneur à chaque page[2]. Il y est de plus question de pays dont nous savons très mal l’histoire. L’attention des écrivains, tant qu’a duré l’empire, était fixée sur la capitale et les villes voisines : c’est de Rome et de l’Italie qu’ils nous entretiennent le plus volontiers, les autres contrées, surtout celles de l’Orient, restent dans l’ombre. Heureusement l’épigraphie les remet vivantes devant nos yeux; elle nous apprend de quelle manière elles étaient gouvernées et comment s’y passait la vie. En lisant ce volume où M. Mommsen a recueilli les inscriptions qu’elles contiennent, et en l’éclairant par les recherches sagaces et profondes de M. Waddington, il semble vraiment qu’on parcourt l’une après l’autre toutes ces provinces si mal connues du monde romain. J’ai le dessein d’entreprendre ce voyage et d’y conduire le lecteur avec moi. J’espère lui montrer, s’il consent à me suivre, que ce ne sont pas seulement les érudits de profession qui peuvent se plaire à ces lectures, qu’elles ont un intérêt plus général, et que par certains côtés elles profitent à tout le monde.


I.

Commençons notre tournée par la plus éloignée des provinces orientales de l’empire, par l’Égypte. On a rencontré en Égypte fort peu d’inscriptions latines, et il n’y a pas lieu d’en être surpris. En s’y établissant après la victoire d’Actium, Rome trouva la place occupée

  1. Voyez la Revue du 1er mai 1864.
  2. Parmi ces savans, je citerai surtout M. Léon Renier, qui a recueilli et commenté les inscriptions trouvées à Troesmis par notre agent consulaire, M. Engelhardt, MM. Perrot et Heuzey, auxquels sont dues les inscriptions de la Galatie et de la Macédoine, M. Desjardins, qui a publié celles de la Hongrie, et beaucoup d’autres membres de notre école d’Athènes.