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perpétuer comme l’imagine M. Darwin ? L’observation apporte la preuve du contraire. Si les circonstances favorables dont certains animaux ont profité ne se renouvellent pas, les produits dégénèrent ; si les conditions malheureuses qui ont été nuisibles à d’autres viennent à s’améliorer, les jeunes sujets réparent bien vite le tort occasionné par la pénurie des anciens jours, et chez la descendance il ne subsiste nulle trace d’affaiblissement physique.

Sur les mammifères et les oiseaux, l’effet du bon ou du mauvais régime frappe les yeux de tout le monde ; il est autrement prononcé sur les animaux à sang froid, capables de supporter l’abstinence pendant de longs mois. Parmi les reptiles, les poissons, les insectes, on observe des différences énormes dans la taille des individus de la même espèce, et pourtant aucun caractère essentiel de l’espèce n’est affecté soit chez les plus beaux, soit chez les plus chétifs. Une expérience instructive a été souvent renouvelée sur des insectes. Les amateurs de lépidoptères aiment à rencontrer des variétés ; beaucoup d’entre eux ont fait des efforts inouïs pour en produire. Des chenilles étant maintenues dans une atmosphère chaude, avec un degré d’humidité convenable, et toujours séduites par une nourriture appétissante, acquièrent un développement magnifique ; elles donnent des papillons d’une taille un peu supérieure à celle des individus ordinaires. D’autres chenilles de la même espèce, soumises au jeûne autant qu’elles peuvent le subir, s’arrêtent tôt dans leur croissance, les papillons sont tout petits, mais les caractères spécifiques ne sont pas altérés.

Rien de plus curieux comme exemple de concurrence pour la vie que les relations de certaines espèces. Tous les insectes sont exposés aux attaques de nombreux parasites. Ces parasites sont principalement des ichneumons et des chalcides, hyménoptères, nous l’avons dit ailleurs, formant l’armée qui dans la nature a pour fonction d’empêcher la multiplication excessive des espèces phytophages. A l’aide d’une tarière, l’ichneumon pique soit une chenille, soit un autre insecte, et sous la peau de l’animal vivant, introduit un ou plusieurs œufs : les larves bientôt éclosent, se nourrissent de la substance de la victime et finissent par l’anéantir. Les progrès de la culture ont singulièrement favorisé la propagation de certains insectes. L’abondance extraordinaire d’une sorte de plante sur une même partie de territoire explique l’apparition de ces myriades de petites bêtes qui dévorent la vigne, les céréales, les colzas, les betteraves. Souvent le fléau atteint des proportions effrayantes ; les ravages deviennent prodigieux ; on croirait que toute la végétation des champs va disparaître. Pendant une, deux, trois années le mal augmente ; tout à coup il semble diminuer, il diminue réellement, l’insecte nuisible, naguère si répandu, est rare maintenant, l’œuvre des