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des gradations insensibles, on risque fort de s’embrouiller ; l’auteur envisage la situation avec calme, et se tire de la difficulté par la reconnaissance dans le monde des volières et des colombiers de onze races, qu’il répartit dans quatre groupes. Viennent ensuite les sous-races et les variétés qui ne sont pas dignes de la même considération. En vérité, c’est un gentil monde que celui de ces pigeons élevés pour le charme des yeux. Nous ferons honneur aux représentans des onze races de M. Darwin, l’intérêt de notre plaisir nous y convie et l’intérêt de notre instruction l’exige. Voici les grosses-gorges au corps mince, fièrement campés sur les pattes ; ils ont une gorge volumineuse, et ils semblent trouver bonheur à l’enfler comme un ballon. Chez ces oiseaux singuliers, sans changer de caractère, le jabot est devenu plus large que dans les autres pigeons. Les messagers, aux pattes massives, au plumage ordinairement de couleur foncée, dressent un cou long et mince, ils ont un grand bec ; autour des yeux et des narines, une peau caronculée a pris un développement énorme, — l’indice d’une anomalie survenue par suite de l’état de domesticité est évident. Les runts, également qualifiés de pigeons bagadais et de pigeons romains, échappent, paraît-il, à toute description précise, tant il est impossible d’obtenir une couvée dont les individus se ressemblent ; parfois les runts diffèrent à peine des messagers. Les barbes ou pigeons polonais sont encore du même groupe ; un bec court et large les distingue. Arrêtons-nous afin d’admirer les pigeons paons ; on en voit de tout blancs, d’autres de nuances variées, chatoyantes à ravir. Ils marchent péniblement, la poitrine en avant, le cou rejeté en arrière et comme agité de mouvemens convulsifs, La queue énorme, étalée à la manière d’une roue redressée jusqu’à toucher la nuque. Ils sont vraiment beaux, mais de la beauté des roses et des œillets de nos jardins. De même que les pétales sont devenus nombreux au point de rendre la fleur stérile, les grandes plumes de la queue se sont multipliées au point de rendre l’oiseau fort inhabile à voler. Chez les pigeons et les colombes sauvages de toute espèce, la queue porte douze de ces grandes plumes qu’on appelle les rectrices ; le pigeon paon en a bien davantage, la quantité est un titre de gloire dans l’opinion du maître de la volière ; un individu a 18 ou 20 rectrices, il est peu prisé, un autre en étale de 30 à 35, il est tenu dans une haute estime, un autre enfin en montre 42, le chiffre qui n’a jamais été dépassé, on le cite parmi les merveilles. Pauvre oiseau qui ne saurait vivre libre, le pigeon paon est comme la rose, un monstre charmant. En continuant la revue des volières, nous apercevons les turbits, pigeons à cravate ou pigeons hiboux. Mignons et jolis, une sorte de fraise placée sur le cou et la poitrine les signale à l’attention ; cette parure est faite de plumes