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et l’un n’avait guère plus de chance de s’élever à la prêtrise que l’autre à l’épiscopat ; grâce à l’introduction de l’hérédité, les générations étaient même souvent rivées au même degré de la hiérarchie. Entre ces familles cléricales vivant côte à côte dans la même paroisse, il y a peu d’alliances. Chaque classe se marie dans son propre sein : sacristain, diacre ou pope épouse la fille d’un de ses pareils. Il est rare que l’un ou l’autre s’élève au-dessus ou descende au-dessous de son rang ; souvent même il ne suffisait point pour une union entre deux familles sacerdotales qu’elles eussent le même titre hiérarchique, il fallait qu’il y eût entre elles une certaine parité de situation. Pour l’éducation comme pour l’aisance, le pope des villes est d’ordinaire bien au-dessus des popes des campagnes ; aussi y a-t-il peu d’alliances de famille entre le clergé rural et le clergé citadin. L’élite du clergé blanc est formée des protopopes ou archiprêtres, premiers prêtres d’une paroisse qui en a plusieurs. Ces protopopes sont souvent chargés des fonctions de blagolchinnye, sorte de doyens ou inspecteurs du clergé paroissial. Un archiprêtre marié peut monter au plus haut emploi où puisse être appelé l’évêque, à un siège dans le saint-synode. Entre ces sommités du clergé blanc et le pope ou diacre des campagnes, il y a ainsi un intervalle presque égal à la distance qui, dans le clergé noir, sépare le moine revêtu de la dignité épiscopale du novice réservé aux plus humbles services du couvent.

Dans le clergé marié comme dans le clergé célibataire, l’intelligence et le travail ne sont point étrangers à cette diversité de destinées. Aux plus mauvais jours de l’hérédité et de la routine, le mérite avait encore sa part dans la répartition des emplois ecclésiastiques. Pour la prêtrise et le diaconat, il y a une gradation de connaissances et d’examens. On n’arrive au sacerdoce qu’en passant par deux ou trois épreuves successives ; le candidat qui s’arrête à la première est relégué dans le diaconat, celui qui n’a pu obtenir aucun diplôme n’a, pour conserver les privilèges du clergé et n’être point pris comme soldat, d’autre refuge qu’une place de chantre ou de sacristain. Les emplois ecclésiastiques se trouvent ainsi mis à une sorte de concours. Les écoles du clergé sont partagées en trois catégories : écoles de paroisse et de district, séminaires et académies, correspondant à peu près à nos trois degrés d’instruction primaire, secondaire et supérieure. Les clercs inférieurs sortent des écoles élémentaires, le plus grand nombre des popes des séminaires diocésains, et l’élite des deux clergés des quatre académies qui tiennent lieu de facultés de théologie. De ces académies, les trois plus anciennes sont près des trois métropolites de Pétersbourg, de Moscou et de Kief, la quatrième est Kazan aux confins du monde