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les idées généreuses se trouvent du côté des rebelles, que la séparation est inévitable et que notre temps assistera au démembrement de cette république ? Nous pouvons tranquilliser les hommes d’état de l’Europe : l’épée de Washington conduira encore nos armées à la victoire, et notre drapeau ne couvrira plus de ses plis que la liberté. »

À peine la session du congrès était-elle finie, M. Sumner retournait à Boston. C’est là que je le revis d’abord quand j’allai visiter les États-Unis pendant la guerre. Ma première visite fut pour lui : il habitait une petite maison dans Hancock street, sur le revers de la colline qui porte le palais de l’état. Il me reçut dans une petite chambre dont les murs étaient couverts de portraits gravés de Nanteuil. Après quelques instans, M. Wilson entra ; il était alors le deuxième sénateur du Massachusetts, il est aujourd’hui vice-président de la république ; bien qu’il eût été artisan dans sa jeunesse, son bon sens, sa grande intégrité et son ardent patriotisme l’avaient conduit jusqu’au sénat. Il revenait du Maine, où il avait été travailler à la réélection de M. Lincoln ; il serait, disait-il, inutile de rien tenter contre Lincoln, qui avait trouvé une place dans le cœur de la nation.

Le lendemain devait avoir lieu une convention du parti républicain à Worcester. M. Wilson demanda à Sumner s’il fallait nommer M. Everett électeur présidentiel (l’élection du président est à deux degrés). Celui-ci, avant la guerre, s’était laissé nommer par le parti démocratique candidat à la vice-présidence de la république, il était considéré comme un adversaire des abolitionistes. M. Sumner remarqua que, la guerre civile commencée, M. Everett n’avait pas eu un moment d’hésitation. Son patriotisme lui avait montré le droit chemin et l’avait élevé au-dessus des partis. Il n’y en avait plus, à vrai dire, que deux, les amis, les ennemis de l’Union. Il ne doutait pas que M. Everett donnerait sa voix à M. Lincoln, et, en raison de sa grande influence, il appuya sa candidature.

Sumner me conduisit ensuite au palais de l’état, me présenta au gouverneur, qui travaillait jour et nuit à l’équipement et au recrutement des régimens du Massachusetts ; il me fit voir la première charte de la colonie, les premiers traités avec les Indiens, une copie des tombes des ancêtres de Washington qui reposent dans un cimetière du Northamptonshire, que lord Spencer lui avait offerte et qu’il avait donnée à la ville de Boston. Nous visitâmes ensemble les belles bibliothèques publiques de la ville, Faneuil Hall, une salle célèbre dans les annales de Boston, où se tiennent toutes les grandes réunions populaires. Puis-je oublier les promenades faites plus tard avec Sumner aux environs de Boston, les vieux collèges de brique