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écrivit des articles qui furent remarqués dans la Revue trimestrielle de jurisprudence de Boston, il entra bientôt, pour se familiariser avec les détails de la procédure, dans l’étude d’un avocat de Boston, et alla passer un hiver à Washington pour étudier les affaires qui assortissent à la cour suprême. Marshall, qui était alors chief-justice, l’accueillit avec beaucoup de bonté et devina son grand mérite. Sumner prit ensuite pendant trois ans la direction de la Revue de jurisprudence américaine.

Nous le voyons ensuite inscrit au barreau de Worcester, dans le Massachusetts ; il n’avait que vingt-trois ans, et déjà il passait pour un savant légiste. Il ouvrit une étude, ce qu’on nomme aux États-Unis un office, car le même mot sert pour le marchand et pour l’avocat. Son esprit sérieux, sa profonde connaissance des lois, lui donnèrent du premier coup une grande clientèle. Il fut nommé rapporteur de la cour de circuit des États-Unis et publia trois volumes de décisions ou juge Story, qui sont encore connus sous le nom de Rapports de Sumner, et fréquemment consultés par les hommes de loi. On lui fit de toutes parts de brillantes propositions pour le déterminer à entrer comme partenaire dans de grandes maisons, menées par des légistes éminens, car aux États-Unis, ainsi qu’en Angleterre, on admet des raisons sociales et des sociétés en participation pour les affaires litigieuses comme pour les affaires ordinaires ? il refusa, il gagnait lui-même tout ce qu’il voulait, et il tenait à sa liberté. Il fut pendant trois ans le suppléant du juge Story dans la chaire de droit du collège de Harvard. Il s’appliqua surtout à cette époque à l’étude du droit international, qui devait rester sa science favorite. On lui offrit une chaire au collège de Harvard, il la refusa. Il ne voulait pas se lier à l’université, il achevait d’ailleurs un grand ouvrage, un Traité de la jurisprudence de l’amirauté. Cet ouvrage avait été commencé par Dunlap, attorney de district des États-Unis, qui était mort, laissant son œuvre inachevée : Sumner la compléta, l’enrichit de notes et de commentaires, et ce travail d’Hercule achevé, avant qu’il eût vingt-sept ans, il partit, comme un écolier délivré, pour l’Europe.

L’Europe exerce sur les Américains une attraction d’autant plus irrésistible qu’ils ont reçu une éducation plus parfaite. C’est sur notre vieux continent que l’homme cherchera toujours ses titres de noblesse : ce n’est pas seulement le complément de l’éducation que l’Américain y vient demander, celle qui se fait devant les monumens, dans la société polie, parmi tant de races diverses ; il y cherche cette poésie qui sort du. passé, ces puissances d’imagination qui s’attachent aux souvenirs, aux noms, aux ruines, aux traditions ; il jouit du plaisir qu’éprouvé le naturaliste en découvrant des faunes