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peu après M. le duc d’Audiffret-Pasquier, qui acceptait une place dans la combinaison en faisant ses conditions. Le noyau essentiel et fondamental était trouvé. Entre ces trois hommes cherchant à s’entendre pour prendre ensemble le pouvoir, il y avait assurément de singulières différences de caractère. Au cabinet en formation, M. d’Audiffret portait son impétuosité et sa décision un peu tranchante, M. de Goulard sa bonne grâce conciliante et modératrice, M. Decazes son habileté avisée ; mais ce qu’il y a de mieux, c’est qu’avec des divergences de nature ces trois hommes poursuivaient le même but et s’étaient mis d’accord sur la politique à suivre, sur la manière de reconstituer le ministère.

Ainsi, et c’était là un des points sur lesquels M. le duc d’Audiffret se montrait le plus inflexible, l’élément bonapartiste devait disparaître. M. Magne lui-même ne pouvait rester aux finances ; M. le général Du Barail, qu’on avait peut-être le tort de considérer comme attaché à l’empire, devait aussi s’en aller, et avec le général Du Barail, avec M. Magne, M. Desseilligny disparaissait du même coup. D’un autre côté, M. de Larcy, M. Depeyre, qui représentaient la droite dans le précédent ministère, devaient être également remplacés. En un mot, sauf M. le duc Decazes, le cabinet se renouvelait tout entier. La pensée qui présidait à ce renouvellement était d’ailleurs parfaitement claire et arrêtée dès le premier moment. Sans nul doute la droite devait être représentée, on n’avait nullement l’intention d’exclure une fraction de l’assemblée qui venait de faire campagne avec le centre droit pour la discussion des lois constitutionnelles, et sans laquelle on se serait trouvé aussitôt en minorité ; mais en même temps M. de Goulard, M. d’Audiffret et M. Decazes se proposaient de faire une place dans le ministère à quelques-uns des hommes les plus modérés du centre gauche, à M. Mathieu Bodet, qui devait entrer aux finances, à M. Cézanne, qui, en sa qualité d’ingénieur, prenait les travaux publics, et même à M. Waddington, qui devait revenir à l’instruction publique, où il n’avait fait que passer il y a un an, aux derniers jours du gouvernement de M. Thiers. Au milieu de toutes ces combinaisons, M. L. de Lavergne a dû un moment être au commerce, et nul certes n’était mieux désigné pour la direction de nos affaires économiques. Bien d’autres noms ont été prononcés, ils n’étaient pas tous sérieux. Malheureusement dans cette mêlée des compétitions du pouvoir il y a moins de postes à occuper que de candidats, et la place a beau être peu enviable, il y a toujours des dévoûmens disposés à s’offrir et à se sacrifier. Tout compte fait, après bien des conférences et des négociations laborieuses, on a été assez près du succès, le ministère n’a pas été loin d’être constitué et vivant. C’était un cabinet toujours conservateur évidemment, mais s’inspirant d’une libérale pensée de transaction, ayant pour politique l’organisation constitutionnelle sous le nom de la république, avec ce qu’on appelait le caractère impersonnel, c’est-