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M. Van Marcke, peuplées de belles vaches au pelage roux et blanc, errant dans de gras pâturages au bord de quelque ruisseau où elles s’abreuvent, sur la lisière de quelque forêt au feuillage bruni, sont d’un excellent élève, presque d’un émule de Troyon ; mais avec tous leurs mérites positifs elles n’ont aucun caractère individuel, elles manquent de ces grandes échappées que Troyon ouvrait sur la nature champêtre, de ce profond sentiment naturaliste auquel il savait associer parfois jusqu’aux animaux des champs. Elles ne laissent d’autre souvenir que celui d’un joli morceau détaché d’un paysage et habilement transporté dans un tableau.

Force nous est de nous adresser à un barbare, qui est parfois un barbare de génie, qui est toujours un homme d’une merveilleuse habileté pittoresque ; nous voulons parler de M. Daubigny père. Son tableau des Champs au mois de juin fera sourire bien des gens ; on se demandera pourquoi ces énormes coquelicots qui remplissent de leurs taches rouges et de leurs tiges colossales un premier plan tout uni sans rien qui arrête le regard. Or c’est grâce à ces coquelicots audacieux que la vigoureuse verdure des champs, qui leur succède au second plan, peut s’enfoncer dans le lointain sans rien perdre de sa vigueur ; c’est à ces coquelicots insolens que le tableau tout entier emprunte et sa profondeur et sa tonalité puissante, rehaussée encore par un ciel bleu violacé, baigné de ces lourdes vapeurs d’été qui absorbent la lumière et la transforment, pour ainsi dire, en chaleur visible. C’est un procédé, dira-t-on ; qu’importe, si par ce procédé M. Daubigny parvient à rendre fidèlement un des grands aspects de la nature ?

Encore un barbare que M. Wahlberg ; on le voit de reste aux colorations hardies et un peu confuses de son Port de pêcheurs dans la Baltique. Il y a là un désordre dans l’emploi de la vigueur, il y a des puissances de second plan, des faiblesses de premier plan qu’on pourrait peut-être tolérer dans une aquarelle, mais qui en aucun cas ne sont pardonnables dans une peinture à l’huile. En revanche, quel chef-d’œuvre que le Bois de hêtres ! Que d’air et d’espace dans le demi-jour de cette futaie, sous cette colonnade de troncs moussus, sur ce brun tapis de feuilles mortes ! Que de transparence dans ces ombres mouvantes, que de franchise même dans ces paillettes lumineuses, qui sont cependant jetées trop brutalement sur le sol. On admire les futaies de M. Diaz, qui ne sont que des empâtemens surchargés et des variations chatoyantes sur l’harmonie du rose et du bleu. Ici les empâtemens sont mis à leur place et employés sans excès ; l’harmonie générale des couleurs, bien plus profonde, repose sur deux notes dominantes plus sévères, mais plus vraies, le vert de la feuille vivante et le brun de la feuille morte.

Tout autre est la manière de M. Emile Breton. Le paysage, tel